This edition by Joseph H. Peterson, Copyright © 2002, 2003, 2006, 2009. All rights reserved. It took me over six years to complete this transcription. Please enjoy, but don't redistribute, or I will send my demons to make it right. Putting my content on your site, drives down my web traffic, and robs me of the paltry opportunity I have to recover some of my expense. Plus it robs you and everyone else of future content. -JHP
L'editeur n'endorse ni ne recommende les methodes et recettes inclus dans ce livre. -JHP
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recipes found in this book. -JHP
[131]
 
On trouve des petites pierres rondes 
& verdâtres au pied du mont 
Cenis, qui ont telle vertu, que si vous 
en mettez une dans chaque oreille 
d'un cheval furieux, & que vous serriez 
ses oreilles avec laa main, le cheval 
deviendra doux & traitable; ensorte 
que non-seulement on le montera 
facilement, mais le maréchal le 
ferrera sans qu'il regimbe aucunement. 
Le taureau furieux & indompté 
se peut apprivoiser, si on le lie à un 
figuier, & qu'on lui fasse prendre sa 
nourriture durant quelque tems sous 
cet arbre. On en vient aussi à bout, si 
on lie avec de l'écorce de sureau la 
jambe droite du taureau au dessous 
du genou.
 
Vous aurez une langue de serpent 
[132]
que vous envelopperez de cire vierge, 
& vous la mettrez dans l'oreille gauche 
d'un cheval, il tombera par terre 
comme s'il étoit mort; & aussi-tôt 
que vous l'aurez ôtée, il se relevera 
plus gaillard qu'il n'étoit au paravant; 
il ne faut pourtant pas la laisser longtems, 
de peur que cela ne nuise au 
cheval.
 
On rapporte du fameux Gigés, 
qu'il parvint au trône de la Lidie par 
le moyen d'un anneau magique, qui 
le rendant invisible, lui donna la facilité 
de commettre adultere avec la 
reine & de tuer le roi. Les sages cabalistes 
nous ont laissé la méthode de fabriquer 
des anneaux qui ont pareillement 
la vertu de l'invisibilité. Il faut 
entreprendre cette opération importante 
un jour de mercredi du printems 
sous les auspices de Mercure, lorsque 
l'on connoîtra que cette planete sera 
[133]
en conjonction avec une des autres 
planetes favorables, comme la Lune, 
Jupiter, Vénus ou le Soleil; & ayant 
de bon mercure fixé & bien purifié, 
on en formera une grosse bague qui 
puisse entrer facilement dans le doigt 
du milieu de la main, on y enchassera 
dans le chaton unt petite pierre que 
l'on trouve dans le nid de la huppe, 
& on gravera autour de la bague les 
paroles suivantes:
 
 
même que celui qui est fait avec de 
mercure, excepté qu'on l'ôte absolument 
du doigt quand on ne veut pas 
être invisible.
 
Comme il n'y a point de poison 
dans la nature qui n'ait son antidote, 
la sage providence du Créateur ayant 
fait toutes choses avec poids & mesure, 
[136]
ne permit point de prestige qui 
n'ait son remede. Si l'on veut donc se 
précautionner contre l'effet de l'anneau 
cabalistique de Mercure, on 
aura une bague composée en la maniere 
suivante. On formera un anneau 
avec du plomb affiné & bien purgé 
en la façon qu'on l'a expliqué à l'endroit 
ci-devant où l'on a parlé des 
talismans, des nombres mystérieux, 
des planetes; & dans le chaton de 
cette bague de plomb on enchassera 
un œil de jeune belette qui n'aura 
porté des petits qu'une fois, & sur 
le contour de la bague on gravera les 
paroles suivantes: Apparuit Dominus 
Simoni. La fabrique de cette bague se 
fera un jour de samedi, lorsque l'on 
connoîtra que Saturne sera en opposition 
avec Mercure: on fera trois fois 
le parfum du samedi, on enveloppera 
la bague dans un morceau de linceul 
mortuaire, & l'on l'enterrera dans un 
cimetiere, on le laissera pendant neuf 
jours; puis l'ayant retiré, on fera
 
 
[137]
trois fois le parfum de Saturne, & l'on 
s'en servira. Ceux qui ont inventé cet 
anneau, ont raisonné sur le principe 
de l'antipathie, qui se trouve entre 
les matieres qui composent ces deux 
anneaux qui ont des effets si opposés; 
en effet, il n'y a rien de plus antipathique 
à la hyene que la belette. Et Saturne 
est presque toujours rétrograde 
à Mercure; ou quand ils se rencontrent 
dans le domicile de quelques-uns 
des signes du Zodiaque, c'est 
toujours un aspect funeste de mauvaise 
augure.
 
On a supposé ci-devant que chaque 
planete à son métal affecté & approprié 
à sa constitution céleste. Pour 
donc procéder avec ordre à la fabrique 
des anneaux dont nous voulons 
ici parler, nous dirons qu'il n'est pas 
[138]
seulement nécessaire de se servir des 
métaux des planetes, mais aussi faut-il 
cónnoître les pierres qui ont rapport 
à leur constitution pour y être enchassées 
& gravées de leur figure mystérieuse. 
La pierre d'aigle ou œtithes, 
& la hyacinthe sont de nature solaire, 
l'émeraude est lunaire, L'aiman est 
propre à Mars aussi-bien que l'amétyste. 
La topase & le porphyre conviennent 
à Mercure; la bérile est 
propre à Jupitre; la cornaline convient 
` Vénus & à Saturn, le chalcédoine 
& le jaspe. Cela étant ainsi 
connu, on fabriquera des anneaux 
du métal & des pierreries convenables 
à chaque planete; on aura soin 
de les fabriquer à leurs propres jour 
& heure de leur favorable constellation, 
& on gravera sur les pierres les 
figures mystérieuses dont nous avons 
donné les modeles ci-devant gravés 
en taille-douce dans l'endroit où nous 
avons parlé des talismans, des nombres 
mystérieux des planetes; & parce 
[139]
qu'il n'est pas si aisé de graver les figures 
sur les pierres proprement, que 
comme sur les métaux où on les peut 
imprimer avec des ferremens, il est 
bon d'avertir ceux qui entreprendront 
ces opérations, que, pourvu qu'ils 
commencent leur travail au premier 
moment de l'heure favorable de la 
planete, & qu'ils continuent sans désister, 
l'anneau sera de valeur & aura 
l'influence souhaitée. Voici un modele 
des heures, tant pour le jour que 
pour la nuit, qui servira à connoître 
celle à laquelle commence à présider 
chaque planete dans tout le cours de 
la semaine.
 
On doit toujours commencer par 
les heures du jour du dimanche. 
A la premiere domine le Soleil, à la 
seconde Vénus, à la troisieme Mercure, 
à la quatrieme la Lune, à la 
cinquieme Saturne, à la sixieme Jupiter, 
[140]
à la septieme Mars, à la huitieme 
le Soleil, à la neuvieme Vénus, 
à la dixieme Mercure, à l'onzieme la 
Lune, à la douzieme Saturne.
 
A la premiere Jupiter, la seconde 
Mars, la troisieme le Soleil, la quatrieme 
Vénus, la cinquieme Mercure, 
la sixieme la Lune, la septieme Saturne, 
la huitieme Jupiter, la neuvieme 
Mars, la dixieme le Soleil, l'onzieme 
Vénus, la douzieme Mercure.
 
A la premiere domine la Lune, la 
seconde Saturne, la troisieme Jupiter, 
la quatrieme Mars, la cinquieme le 
Soleil, la sixieme Vénus, la septieme 
Mercure, la huitieme la Lune, la 
neuvieme Saturne, la dixieme Jupiter, 
l'onzieme Mars, la douzieme le Soleil.
 
A la premiere Vénus, la seconde 
[141]
Mercure, la troisieme la Lune, la 
quatrieme Saturne, la cinquieme Jupiter, 
la sixieme Mars, la septieme 
le Soleil, la huitieme Vénus, la neuvieme 
Mercure, la dixieme la Lune, 
l'onzieme Saturne, la douzieme Jupiter.
 
A la premiere Mars, la seconde le 
Soleil, la troisieme Vénus, la quatrieme 
Mercure, la cinquieme la Lune,
la sixieme Saturne, la septieme 
Jupiter, la huitieme Mars, la 
neuvieme le Soleil, la dixieme Vénus, 
l'onzieme Mercure, la douzieme 
la Lune.
 
La premiere Saturne, la seconde 
Jupiter, la troisieme Mars, la quatrieme 
le Soleil, la cinquieme Vénus, 
la sixieme Mercure, la septieme la 
Lune, la huitieme Saturne, la neuvieme 
Jupiter, la dixieme Mars, 
[142]
l'onzieme le Soleil, la douzieme Vénus.
 
A la premiere Mercure, la seconde 
la Lune, la troisieme Saturne, la quatrieme 
Jupiter, la cinquieme Mars, 
la sixieme le Soleil, la septieme Vénus, 
la huitieme Mercure, la neuvieme la Lune, 
la dixieme Saturne, l'onzieme 
Jupiter, la douzieme Mars.
 
A la premiere le Soleil, la seconde 
Vénus, la troisieme Mercure, la quatrieme 
la Lune, la sixieme Jupiter, la 
septieme Mars, la huitieme le Soleil, 
la neuvieme Vénus, la dixieme Mercure, 
l'onzieme la Lune, la douzieme
Saturne.
 
A la premiere Jupiter, la seconde 
Mars, la troisieme le Soleil, la quatrieme 
Vénus, la cinquieme Mercure, 
la sixieme la Lune, la septieme Saturne, 
[143]
la huitieme Jupiter, la neuvieme Mars, 
la dixieme le Soleil, l'onzieme Vénus, 
la douzieme Mercure.
 
A la premiere la Lune, la seconde 
Saturne, la troisieme Jupiter, la quatrieme 
Mars, la cinquieme le Soleil, 
la sixieme Vénus, la septieme Mercure, 
la huitieme la Lune, la neuvieme Saturne, 
la dixieme Jupiter, l'onzieme 
Mars, la douzieme le Soleil.
 
A la premiere Vénus, la seconde 
Mercure, la troisieme la Lune, la 
quatrieme Saturne, la cinquieme Jupiter, 
la sixieme Mars, la septieme le Soleil, 
la huitieme Vénus, la neuvieme Mercure, 
la dixieme la Lune, l'onzieme 
Saturne, la douzieme Jupiter.
 
A la premiere Mars, la seconde le 
Soleil, la troisieme Vénus, la quatrieme 
[144]
Mercure, la cinquieme la Lune,
la sixieme Saturne, la septieme Jupiter, 
la huitieme Mars, la neuvieme le Soleil, 
la dixieme Vénus, l'onzieme 
Mercure, la douzieme la Lune.
 
La premiere Saturne, la seconde 
Jupiter, la troisieme Mars, la quatrieme 
le Soleil, la cinquieme Vénus, 
la sixieme Mercure, la septieme la 
Lune, la huitieme Saturne, la neuvieme 
Jupiter, la dixieme Mars, 
l'onzieme le Soleil, la douzieme Vénus.
 
A la premiere Mercure, la seconde 
la Lune, la troisieme Saturne, la quatrieme 
Jupiter, la cinquieme Mars, 
la sixieme le Soleil, la septieme Vénus, 
la huitieme Mercure, la neuvieme la Lune, 
la dixieme Saturne, l'onzieme 
Jupiter, la douzieme Mars.
 
La disposition cabalistique de ces 
genres planétiques n'est pas une des 
[145]
moins curieuses productions des sages 
sectateurs de la science occulte des 
astres: on y voit que les figures des 
planetes se trouvent chacune à la premiere 
heure de son jour, sans anticiper 
l'une sur l'autre, ni interrompre 
leur ordre dans tout le cours des heures 
des jours de la semaine, & l'on a 
observé que c'est ordinairement à ces 
heures que les planetes ont de favorables 
aspects; ainsi ceux qui voudront 
travailler aux figures mystérieuses 
des pentacules & talismans, pourront 
se régler sur cet ordre, & cet 
arrangement des heures, parce qu'il 
est de conséquence de ne pas travailler 
une figure mystérieuse de Vénus 
sous l'heure dee Saturne, ni une figure 
de Saturne sous l'heure du Soleil, & 
ainsi du reste.
 
Les sages qui se sont appliqués à 
découvrir les origines des noms que 
l'on a donné aux choses, & sur-tout 
à celles qui renferment quelque chose 
d'extraordinaire, disent que le nom 
de talisman est un mot hébraïque, qui 
signifie image mystérieuse, quelques-uns 
ont dit que ce mot de talisman est 
contre-tiré sur le mot grec telesma, 
qui signifie grande perfection; d'autres 
lui donnent son origine de ces 
deux mots latins, talis mens; d'autant 
que quand on est expert dans la science 
cabalistique, on peut faire des talismans 
selon sa pensée, selon ses intentions, 
& comme on les souhaite: ce 
qui est bien ex primé par ces deux mots 
latins. Or, quoi qu'il en soit de l'étymologie 
de ce nom, il est certain que 
origine des talismans & l'usage des 
figures mystérieuses nous sont venus 
[147]
des Egyptiens & des Chaldéens, qui 
étant très-savans dans la spéculation 
des astres, en avoient pénétré toutes 
les vertus & efficacités de leurs influences, 
& en avoient fait une science 
pratique dont l'usage les mit en 
grande réputation; & les Hébreux qui 
allerent en Egypte lorsque Joseph la 
gouvernoit sous le regne de Pharaon, 
apprirent d'eux cec mysteres; & ils s'y 
perfectionnerent par la fréquentation 
qu'ils eurent avec les Chaldéens qui 
firent les figures célestes, pour attirer 
les influences des astres, parce qu'ils 
faisoient ou vertement profession d'observer 
leur cours, la diversité de leurs 
aspects & leurs conjonctions, pour 
en tirer des pronostics qui leur servoient 
à régler leur vie & leur fortune.
 
Ils inventerent un systême céleste, 
où ils rangerent les autres sous divers 
corps fantastiques pour fixer les veux 
& l'imagination sur la disposition de 
ces corps célestes, ils distribuerent les 
planetes dans plusieurs cieux, avec 
[148]
une judicieuse subordination des inférieures, 
ou supérieurs, comme on le 
peut voir dans cette grande figure que 
j'ai fait graver. Ils firent la distinction 
des signes qu'ils déterminerent sous 
des figures des animaux, qui avoient 
la sympathie naturelle avec les influences 
des astres, & ce fut l'occasion & l'origine 
de la distinction qu'ils en firent 
sous les noms du taureau, du bélier, 
du capricorne, de l'écrevisse, du lion, 
des scorpions, des poissons, &c. avec 
lesquels ils marquerent les espaces du 
ciek, que le Soleil & la Lune parcourent.
 
On donna depuis le nom de Zodiaque 
à tout cet espace ainsi distingué, 
qui est un mot dérivé du grec Zoon, 
qui signifie animal, à cause que ces 
animaux & ces figures tirées de divers 
sujets vivans, marquoient les assemblages 
d'étoiles qui composent ces 
signes adoptés.
 
Les plus curieux d'entre les savans 
des Grecs s'appliquerent à cette science 
[149]
mystérieuse, & y réussirent avec tant 
de succès, que les plus beaux génies 
des autres nations venoient se former 
sous leur direction; ce qui est un 
grand préjugé, qu'il y a quelque chose 
de solide & de vraisemblable dans les 
opérations de cette science: d'autant 
plus, que la nature même semble 
l'autoriser par quelques productions 
merveilleuses que l'on ne peut pas 
nier, j'entends parler de ces figures 
hiéroglyfiques que l'on voit naturellement 
empreintes sur des pierres, sur 
des coquilles, sur des animaux, & 
qui ont des rapports tout-à-fait surprenans, 
avec les figures dont elles 
sont ornées.
 
Crollius, qui n'est pas un auteur à 
mépriser, fait remarquer, que la plupart 
des plantes & des pierres métalliques 
un peu hors du commun, ont, 
ou en leur couleur, ou en leur figure, 
des marques, des propriétés & des 
usages auxquels elles peuvent être 
propres; le Créateur l'ayant ainsi disposé
[150]
pour les rendre utiles aux hommes 
par la sympathie qu'elles ont avec 
les corps célestes. Ce même auteur 
remarque que, si les Hébreux ne se 
sont pas servis dans leurs talismans 
des figures naturelles, ce n'étoit que 
parce qu'étant zélés observateurs de 
la loi qui défendoit toutes sortes d'images, 
ils ne vouloient pas y contrevenir, 
& d'autant plus que Moyse 
avoit trouvé dans les noms divins de 
Jeova, de Sabaoth, de Tategrematon [sic], 
d'Eloim, &c. des vertus merveilleuses, 
qui suppléoient au défaut des 
figures; & c'est pourquoi ils composoient 
leurs talismans de ces saints 
noms & des oracles tirés de la loi, & 
se persuadoient, par l'expérience 
qu'ils en faisoient, qu'ils avoient la 
vertu de les préserver des maux qu'ils 
appréhendoient, & de leur procurer les 
avantages qu'ils souhaitoient quand 
ils les portoient sur eux, gravés sur 
les métaux qui ont de la convenance 
avec les astres qui répandent leurs 
[151]
influences sur les corps sublunaires.
 
Ceux qui voudront approfondir 
dans cette science des talismans & 
figures mystérieuses, y feront beaucoup 
de progrès, s'ils s'appliquerent à 
la lecture des ouvrages de Jean Lheureux, 
chanoine d'Aire en Artois, 
imprimé à Anvers, par le soin, du 
sieur Chifflet, sous le titre de Disquisitio 
antiquaria de gemmis Basidianis, 
seu Abraxio Apistophistos. On trouvera 
ici le modele d'un talisman pour être 
fortuné au jeu & dans négoce; il 
a été composé par le fameux Arbatel, 
qui dit qu'on le doit faire en cette 
figure.
 
[152]
 
Vous aurez une pique ronde de 
mercure fixé, bien purifié & bien 
poli, & vous choisirez durant toute 
la saison du printems un mercredi, 
auquel vous observerez la constellation 
de Mercure, en une situation favorable, 
[153]
c'est-à-dire, en bon aspect 
avec Jupiter ou Vênus, ou en conjonction 
avec le Soleil ou la Lune; 
vous y imprimerez d'un côtê l'êtoile 
de Mercure, comme elle est ici reprêsentêe, 
& de l'autre, les mots hêbreux 
que vous voyez pareillement ici gravês: 
& après l'avoir parfumê trois fois 
du parfum propre au jour de Mercure, 
vous irez l'enterrer dans un 
grand chemin, sous un gibet, & l'y 
laisserez durant sept jours: au bout 
desquels vous le retirerez & le conserverez 
pour votre usage, aprèz l'avoir 
parfumê derechef trois diverses 
fois du même parfum; & il sera bon 
tous les mercredis, avant le soleil 
levê, de rêitêrer le parfum de Mercure.
 
Un cêlebre auteur de notre tems 
dit, qu'il n'y a point de talisman qui 
ne se rapporte ou à l'astrologie, ou à 
la mêdecine, ou à la religion, ou 
même à toutes trois ensemble; car on 
y voit les figures, au naturel ou en 
[154]
hiéroglyphes, par rapport aux constellations 
différentes, & ces talismans 
ont la vertu d'attirer les influences 
célestes sur les personnes, sur les biens 
de ceux qui les font & qui s'en servent. 
On grave dans d'autres des symboles 
qui ont rapport aux plantes, 
aux simples & aux minéraux, & autres 
choses qui sont de ressort de la 
médecine; & ceux-là sont utiles pour 
la guérison des maladies, & la conservation 
de la santé. Dans d'autres 
enfin, on y mêle les noms de Dieu, 
des génies célestes, & des paroles de 
l'ancien & du nouveau testament, 
contre les tempêtes, les naufrages, 
les incendies, les morts violentes & 
autres accidens.
 
J'ai donné ci-devant quelques modeles 
de ces talismans gravés, avec 
leurs propriétés & vertus, concernant 
les sept planetes; & il m'en reste encore 
d'autres, dont je parlerai ci-après, 
afin de mettre un peu de variété dans 
ce petit trésor des secrets.
 
Vous aurez grand soin de bien 
choisir les drogues suivantes, ensorte 
qu'il n'y en ait aucune de gâtée ou 
sophistiquée; cannelle fine, girofle, 
noix muscade, gingembre, zedouary, 
galenga, poivre blanc, de tout cela 
une once; six pelures de bon citron, 
deux poignées de raisins de Damas, 
autant de jujubes, une poignée de 
moëlle d'iebles; quatre poignées de 
graine de genievre qui soit bien mûre, 
une poignée de semence de fenouil 
vert, autant de fleurs de basilic, autant 
de fleurs de mille-pertuis, autant 
de fleurs de romarin, autant de fleurs 
de marjolaine, de pouillos, de stecados, 
de franc sureau, de roses muscades, 
de rue, de scabieuse, de centaurée, 
de fumeterre & d'aigremoine; 
deux onces de spica-nardi, autant de 
bois d'aloës, autant de graine de paradis, 
autant de calami aromatici, 
[156]
autant de bon macis, autant d'oliban, 
autant de sandal citrin, une drachme 
d'aloës épatique, ambre fin, rhubarbe, 
deux drachmes. 
 
   Toutes ces drogues étant assemblées 
& bien conditionnées, on pilera celles 
qui doivent être pilées & pulvérisées, 
on mettra le tout bien mêlangé dans 
un grand alambic de verre fort, d'un 
pied et demi de hauteur, & vous verserez 
de bonne eau-de-vie sur ces drogues, 
ensorte que l'eau-de-vie surnage 
au moins de trois travers de 
doigt au-dessus des drogues, puis 
ayant bien bouché l'alambic, crainte 
d'évaporation, il faut mettre l'alambic 
dans un fumier de cheval bien 
chaud en digestion, l'espace de quinze 
jours, puis on le mettra en distillation 
au bain-marie toujours bouillant, 
après l'avoir muni de son chapiteau 
& de son récipient, l'un & l'autre 
bien lutés & scellés. On sera attentif 
à la distillation, ensorte que lorsque 
l'on s'appercevra que ce qui tombe 
[157]
dans le récipient change de couleur, 
on doit aussi changer de récipient, & 
remettre la premiere eau qui a distillé 
dans l'alambic pour la purifier de son 
flegme par une seconde distillation; 
cette seconde sera la vraie eau céleste.
 
Nota. Que quand vous verrez cette 
seconde eau changer encore de couleur, 
tirant sur le roux, vous la mettrez 
en réserve, bien bouchée, dans 
un bocal de verre fort, puis vous 
délaierez demi-livre de bonne thériaque 
avec autant de fine térébenthine 
de Venise & d'huile d'amandes douces, 
& mêlangerez tout cela avec le 
marc qui est resté dans l'alambic, & 
pousserez la distillation au feu de sable 
violemment pour avoir la vraie 
huile de baume, qui doit être comme 
miel clair. 
 
   Si l'on se frotte le matin avec cette 
eau le front, la paupiere des yeux, 
[158]
le derrière de la tête &, la nuque 
du cou, elle rend la personne prompte 
& habile à bien apprendre, fortifie la 
mémoire, aiguise les esprits & conforte 
merveilleusement la vue. En la 
mettant avec un morceau de coton 
dans les narines, c'est un souverain 
céphalique pour purifier le cerveau de 
toutes superfluités, humeurs froides 
& catarrheuses. Si de trois jours l'on en 
boit une cuillerée, elle maintient la 
personne en force, en vigueur & dans 
un embonpoint, tel que la beauté se 
conserve jusqu'à l'âge décrépit. Elle 
est souveraine contre la courte haleine, 
& la rend agréable en adoucissant 
les organes du pulmon, & le guérissant 
lorsqu'il est gâté. Si on en donne 
de temps en temps à un lépreux, elle répare 
si bien son foie, qu'elle le met 
en voie de prompte guérison. Elle est 
tellement propre contre les venins & 
poisons, que si l'on en verse sur un 
crapaud ou autre insecte venimeux 
seulement six gouttes, on le voit mourir 
[159]
soudainement. Il n'y a point de 
restaurant qui puisse égaler la vertu 
substantielle de cette eau divine; car 
non-seulement on peut se passer de 
boire & manger durant vingt-quatre 
heures, quand on en a avalé le matin 
une cueillerée; mais même si l'on en 
met dans la bouche d'un agonisant, 
& qu'il la puisse avaler, elle lui redonne 
de la vigueur, & lui rend l'usage 
de la parole & de la raison, s'il 
l'a perdu. Elle sert à rompre la pierre 
& la gravelle, dissipe la rétention 
d'urine & l'ardeur brûlante de la 
verge. Elle soulage notablement les 
étiques, asthmatiques & hydropiques; 
les goutteux même s'en peuvent servir 
utilement par fomentations. Elle garantit 
de la peste & de toute fievre 
maligne, quelle qu'elle puisse être; 
en un mot, on peut appeller cette 
eau céleste, une médecine universelle. 
 
   Si vous en mettez dans les oreilles 
d'un sourd, seulement trois gouttes 
de temps en temps, en bouchant les 
oreilles avec un peu de coton qui en 
sera imbibé, la surdité se dissipera. 
Elle peut guérir toute sorte de galle 
& de teigne, la plus invétérée qu'elle 
soit. Item, toutes apostumes, plaies, 
cicatrices, ulceres, vieilles & nouveaux. 
Item, toutes sortes de morsures 
venimeuses, de serpents, scorpions, 
&c. Item, toutes fistules, 
crampes & érésipelles. Item, toute 
palpitation de cœur & des autres 
membres, par fomentation & emplâtres. 
Crollius en fait tant d'estime, 
qu'il le nomme par excellence, huile 
mere de baume, témoignant par-là 
qu'il est plus excellent que le baume 
même. 
 
   Cette recette que je vais donner 
contre la peste & toute maladie 
contagieuse, est un présent d'un roi 
d'Espagne à sa fille, reine de France, 
que je tiens de son premier médecin; 
& il n'y a personne qui ne le puisse 
faire à cause de sa grande facilité. 
Vous ratisserez bien douze racines 
scorsoneres, salsifis noirs, vous les ferez 
cuire dans trois pintes de vin 
blanc, ensorte que le pot où ils cuiront 
soit bien couvert, de crainte d'une 
trop grande évaporation des esprits; 
puis étant bien cuits vous les coulerez 
dans un linge en les pressant un peu, 
vous ajouterez à cette liqueur le jus 
de douze citrons, de demi-once de 
gingembre, une demi-once de clous 
de girofle, une demi-once de cardamomum, 
une demi-once de bois d'aloës, 
le tout bien concassé; vous y 
joindrez une once, ou environ, de  
[162]
chacune des herbes suivantes; feuille 
de rue, de sureau, de ronces & de 
sauge franche; vous ferez bouillir 
tout cela ensemble à bien petit feu, 
jusqu'à la diminution du quart, & 
puis le coulerez bien promptement 
dans un linge double ou à la chausse; 
& l'ayant mis dans un bocal de verre 
fort, bien bouché, vous en boirez à 
jeun tous les matins durant neuf jours 
le tiers d'un demi-septier, & par ce 
moyen vous serez à l'épreuve du mauvais 
air, quand bien même vous fréquenteriez 
les pestiférés. Ceux qui seront 
déja frappés du mal contagieux, 
ajouteront à ce breuvage le jus d'une 
racine de buglose & de scabieuse, où 
ils délaieront de bonne thériaque, & 
ils se purgeront par-là du venin mortifere. 
Et ceux qui auront le charbon 
en évidence, pileront des feuilles de 
ronces, de sureau, avec graine de 
moutarde, & en feront une espece de 
cataplasme sur le charbon, & moyennant 
l'aide de Dieu, ils guériront.
 
Faites infuser dans du fort vinaigre 
de petites racines de mûrier noir; 
après les avoir bien concassées, vous 
y ajouterez, gros comme une petite 
feve, de vitriol romain, & vous exposerez 
cela au soleil d'été durant quinze 
jours dans un bocal de verre fort; 
ensuite de quoi vous les retirerez & 
les ferez sécher dans un pot de terre 
vernissé, avec un lézard verd, dans 
un four médiocrement chaud, le pot 
étant bien couvert; & vous en ferez 
une poudre, de laquelle vous mettrez 
sur la dent gâtée, & elle la déracintera 
& tombera en peu de tems.
 
Vous ferez une déccoction de ce que 
je vais vous marquer ci-après; prenez 
de l'aristoloche ronde, le poids de 
[164]
deux écus, graine de laurier, autant 
d'écrevisses d'eau douce séchées au 
four, & qu'elles aient été prises en 
pleine lune, musc en poudre, le poids 
d'un écu, l'herbe appellée brunelle, 
autrement consoude moyenne, le 
poids de quatre écus. Il faut que cette 
herbe soit cueillie avec ses fleurs, & 
séchée à l'ombre entre deux linges. 
Vous réduirez toutes ces drogues en 
poudre, & après les avoir bien mêlées, 
vous les mettrez dans un sacher de 
toile neuve, qui soit sousu ou lié avec 
un fil; puis vous aurez un pot de terre 
neuf vernissé, dans lequel vous mettrez 
votre sachet, avec une vingtaine 
de petites branches de pervenche & 
trois chopines du meilleur vin blanc 
que vous pourrez trouver, & après 
avoir bouché votre pot avec trois ou 
quatre feuilles de papier, ensorte que la 
vapeur n'en sorte point, vous le mettrez 
au feu de charbon, & le ferez bouillir 
tant que vous puissiez croire que la 
décoction est diminuée du tiers; pour 
[165]
lors vous le retirerez du feu, & l'ayant 
laissé refroidir, vous coulerez la décoction 
dans un double linge fin, & la 
mettrez dans un bocal de verre fort, 
pour vous en servir dans le besoin; 
prenez garde sur-tout que le bocal 
soit si bien bouché, qu'il ne puisse 
prendre vent.
 
Voici de quelle maniere on s'en sert 
pour la guérison des plaies. Vous aurez 
une petite seringue d'argent, qui 
sera toujours bien pure & nette, afin 
de vous en servir pour les plaies qui 
seront creuses, lesquelles il faudra panser 
trois fois par jour en cette sorte: 
vous nettoyerez doucement la plaie 
avec un petit linge blanc de lessive, 
imbibé de la décoction, puis vous seringuerez 
trois ou quatre fois de la décoction 
dans la plaie, & vous la couvrirez 
d'un petit linge fin qui soit imbibé 
de cette décoction, & la couvrirez 
d'un morceau de feuille de chou 
rouge, & mettrez sur cette feuille encore 
un linge mouillé de la décoction,
[166]
en forme de compresse, & banderez 
légérement la plaie, qui viendra à guérison 
en peu de tems. Prenez garde 
de la bien nettoyer à mesure qu'elle 
se fermera, afin de ne pas laisser le 
loup dans la bergerie.
 
J'ai été témoin avec étonnement de 
la prompte maniere avec laquelle un 
soldat polonois guérit, sans aucuns 
médicamens, un de ses camarades 
blessé de deux coups d'épée, qui étoient 
mortels. Il commença par laver bien 
sa bouche & ses dents avec de l'eau-de-vie, 
puis avec de l'eau de rose, afin 
d'avoir l'haleine douce & sans mauvaise 
odeur; puis s'approchant du malade, 
il découverit sa plaie qui étoit 
toute sanglante, & l'ayant bien nettoyée 
en la lavant avec eau de plantain, 
il en étancha tout le sang, en 
la pressant doucement & l'essuyant 
avec un linge imbibé d'eau de plantain; 
puis approchant sa bouche de 
 
 
 
Si la plaie perce de part en part, il 
faut faire la même cérémonie de l'autre 
côté, & on la couvre d'une compresse 
[168]
imbibée d'eau de plantain, que 
l'on renouvelle de douze heures en 
douze heures, & le malade reçoit 
une prompte guérison.
 
Il faut entreprendre cette guérison 
le plutôt que l'on peut, & ne pas 
donner le tems à l'inflammation, & 
l'entorse sera subtilement guérie. Celui 
qui fait l'opération doit déchausser son 
pied gauche, & s'en servir pour toucher 
trois fois le pied malade, en formant 
des signes de la croix avec ce même 
pied gauche en prononçant les paroles 
suivantes. A la premiere fois, il dire 
Antè, + à la seconde fois, Antè te, + 
à la troisieme fois, super antè te. + Le 
pied malade doit être touché au-dessus 
de l'entorse; & on s'en sert aussi-bien 
pour guérir les chevaux que pour 
guérir les hommes.
 
Ceux qui s'aviseront de taxer de 
superstition ces sortes de manieres de 
[169]
guérir, doivent savoir que de plus 
habiles gens qu'eux onx donné leurs 
approbations à des secrets de médecine 
qui tiennent autant du merveilleux, 
& dont les causes sont autant 
cachées que de ceux-là. Qui est-ce, 
par exemple, qui pourra expliquer 
par des raisons bien plysiques, ce 
que j'ai lu dans un livre de secrets, 
imprimé à Paris, avec approbation 
& privilege, qu'un remede infaillible 
pour guérir l'insomnie ou le trop 
grand assoupissement, c'est de prendre 
un gros crapaud, & d'un seul 
coup séparer la tête du corps, puis 
faire sécher cette tête? & comme il 
arrive toujours que des deux yeix de 
cette tête, quand elle est séparée, il 
y en a un ouvert & l'autre fermé, la 
personne qui doit dormir, doit porter 
sur soi l'œil fermé, & la personne qui 
est trop assoupie & qui veut veiller, 
doit porter sur soi l'œil du crapaud 
qui est ouvert. De plus, quelle merveilleuse 
propriété la poudre de crâne 
[170]
humain peut-elle avoir pour guérir 
promptement les ulceres les p1us envieillis? 
Cela semble même contraire 
à la bonne raison, & aux principes de 
la médecine, qui disent que les contraires 
se doivent guérir par leurs 
contraires; cependant cet auteur, 
approuvé & privilégié, veut que la 
poudre de crâne, qui n'est que corruption, 
guérisse une autre corruption, 
& sur la foi de cet auteur, un 
président de Paris, c'est-à-dire un 
homme d'esprit & de bon jugement, 
fait l'épreuve de ces secrets, avec un 
heureux succès, sans crainte de passer 
pour un superstitieux. 
 
Ce même auteur, approuvé & privilégié, 
dit que pour dénouer l'aiguillette, 
il faut que la personne porte 
dans un petit sachet pendu à son cou 
trois sortes d'herbes, de l'a1kermès, de 
l'armoise & du gui de chêne; a1kermès, 
cueilli le 23 septembre, l'armoise 
& le gui de chêne, cueillis le 
24 juin, avant le soleil levé.
[171]
 
Item. Que pour guérir le mal des 
yeux : il faut brûler sur les charbons la 
dépouille d'un serpent, & en recevoir 
la fumée dans les yeux: cela approche 
de la guérison merveilleuse de l'aveugle 
de·l'évangile, à qui le Sauveur mit 
de la boue sur les yeux, pour lui faire 
recouvrer la vue .. Item. Que la graine 
ou semence d'ortie, mise dans la marmite, 
empêche de bouillir, & la viande 
de cuire, à tel feu que vous la puissiez 
exposer. Item. Pour se garantir des 
mauvaises rencontres dans les voyages, 
il faut, dit cet auteur, mettre la 
langue d'une couleuvre dans le fourreau 
de l'épée. Item. Pour empêcher 
une arquebuse de tirer droit, il faut 
la frotter avec du jus d'oignon par le 
bout. Il y a dans ce livre approuvé un 
fort grand nombre d'autres secrets, 
qui ne sont point autorisés par la raison; 
& néanmoins les sages ne les 
taxent point de superstition, les rapportant 
à des causes occultes & inconnues. 
Comme ce que dit Pline, 
[172]
que pour empêcher les scorpions d'entrer 
dans les maisons, particulièrement 
dans les pays & climats où ces 
insectes sont en quantité, il faut que 
l'on ait soin de suspendre au-dessus de 
la porte, en dedans de la maison, un 
petit sachet dans lequel il y ait des 
noisettes; ce naturaliste raisonne dans 
ce secret sur l'antipathie qui est entre 
ces serpents & le coudrier, dont la 
noisette est le fruit; le raifort a pareillement 
en soi une si grande antipathie 
avec les scorpions, qu'en les 
posant dessus, ils en meurent.
 
Le même Pline raconte, que pour 
empêcher les vignes d'être endommagées 
par les grêles ou frimats, il faut que 
deux jeunes hommes prennent un coq, 
& se postant proche des vignes, ils 
empoigneront le coq chacun par une 
jambe & une aîle, & tireront à toute 
force l'un contre l'autre, ils le mettront 
en pièces; puis ils feront le tour 
des vignes en se tournant le dos l'un à 
l'autre; & les aspergeant d'espace en 
[173]
espace avec le sang du coq, & à l'endroit 
où ils se rencontreront faisant le 
tour, ils enterreront les pieces du coq 
déchiré; & cela vaut contre les grêles, 
les tempêtes, & empêche aussi les 
bêtes de venir en la vigne. Quelques 
autres prétendent qu'en brûlant ou 
rôtissant le foie du caméléon sur un 
feu de charbon, dans un champ ou 
vigne, ce parfum conjure & dissipe 
la grêle & tempête. 
 
Je me suis laissé dire par de bonnes 
gens de la campagne, qu'ils avoient 
plusieurs fois conjuré & éloigné la 
grêle & la tempête, en présentant un 
miroir à l'opposite de la nuée. Pareillement, 
en liant ensemble plusieurs 
clefs de diverses maisons avec une petite 
corde, & ranger ces clefs sur terre 
en forme de cercle. Item. Mettez une 
tortue à la renverse, ensorte qu'elle 
ne puisse se relever ni marcher, il 
est très-certain que tant qu'elle sera 
dans cette posture, la grêle ni la tempête 
ne tomberont point dans le 
[174]
champ ni dans la vigne: ce sont des 
épreuves que les villageois font journellement, 
ce qu'ils ont appris de leurs 
ancêtres par tradition de pere en fils. 
 
Quoique la plupart des villageois 
vivent dans l'ignorance & dans une 
espece de stupidité grossière, néanmoins 
ils ont de certaines connoissances 
& pratiques qui donnent de 
l'admiration par les effets qui en sont 
produits. Je me souviens d'avoir logé 
chez un riche paysan, qui avoit été 
autrefois fort pauvre & misérable, si 
bien qu'il étoit contraint de travailler 
à la journée pour les autres; & comme 
je l'avois connu dans le tems de sa misere, 
je pris occasion de lui demander 
ce qu'il avoit fait pour devenir riche 
en si peu de temps. Il me dit qu'ayant e
mpêché qu'une bohémienne ne fût 
battue & mal menée pour avoir dérobé 
quelques poulets, elle lui avoit appris 
le secret de faire une mandragore, & 
[175]
que depuis ce tems-là, il avoit toujours 
prospéré de bien en mieux, & 
qu'il ne se passoit guere de jour qu'il 
ne trouvât quelque chose; & voici de 
quelle maniere la bohémienne lui avoit 
enseigné de faire la mandragore dont 
je donne la figure gravée. Il faut prendre 
une racine de bryonia, qui approche 
de la figure humaine; on la sortira 
de terre un lundi dans le printems, 
lorsque la Lune est dans une heureuse 
constellation, soit en conjonction 
avec Jupiter, en aspect aimable avec 
Vénus; l'on coupe les extrémités de 
cette racine, comme font les jardiniers 
lorsqu'ils veulent transplanter 
une plante, puis on doit l'enterrer 
dans un cimetiere au milieu de la fosse 
d'un homme mort, & l’arroser avant 
le soleil levé durant un mois, avec du 
petit lait de vache, dans lequel on 
aura noyé trois chauve-souris, au bout 
de ce tems on la retire de terre, & on 
la trouve plus ressemblante à la figure 
humaine; on la fait sécher dans un 
[176]
four chauffé avec de la verveine, & 
on la garde enveloppée dans un morceau 
de linceul qui ait servi à envelopper 
un mort. Tant que l'on est en 
possession de cette mystérieuse racine, 
on est heureux, soit à trouver quelque 
chose dans le chemin, à gagner 
dans le jeu du hazard, soit en trafiquant; 
si bien que l'on voit tous les 
jours augmenter sa chevance. Voilà 
de quelle maniere le paysan me conta 
fort naïvement qu'il étoit devenu riche. 
 
Il y a des mandragores d'une autre 
espece, & que l'on prétend être des 
farfadets, lutins, ou esprits familiers, 
& qui servent à plusieurs usages; quelques-uns 
sont visibles sous la figure 
d'animaux, & d'autres invisibles. Je 
me suis trouvé dans un château où il 
y en avoit un qui depuis six ans avoit 
pris soin de gouverner une horloge & 
d'étriller les chevaux, il s'acquittoit 
de ces deux choses avec toute l'exactitude 
que l'on pouvoit souhaiter: je 
fus curieux un matin de voir ce manege, 
[177]
mon étonnement fut grand de 
voir courir l'étrille sur la croupe du 
cheval, sans être conduite par aucune 
main visible; le palefrenier me dit 
qu'il s'étoit attiré ce farfadet à son service, 
en prenant une petite poule noire, 
qu'il avait saignée dans un grand 
chemin croisé; & que du sang de la 
poule, il avoit écrit sur un petit morceau 
de papier: Berit fera ma besogne 
pendant vingt ans, & je le récompenserai, 
& qu'ayant enterré la poule à 
un pied de profondeur, le même jour 
le farfadet avoit pris soin de l'horloge 
& des chevaux, & que de tems en 
tems, il faisoit des trouvailles qui lui 
valoient quelque chose. C'est un entêtement 
où plusieurs personnes sont 
de croire que ce qu'ils appellent mandragore, 
leur paie un certain tribut 
chaque jour, comme d'un écu, d'une 
pistole, plus ou moins. Je n'ai jamais 
oui dire cela qu'à des personnes de 
petit jugement; & tous ceux qui m'en 
ont parlé avec plus de vraisemblance, 
[178]
ne m'ont dit autre chose, sinon que 
quand on attire ces sortes de mandragores 
à son service, on est heureux 
au jeu, on trouve dans les chemins de 
l'argent ou des joyaux, & que quelquefois 
durant le sommeil on est inspiré 
d'aller dans les endroits où l'on 
doit trouver quelque chose. Je finirai 
cette matière par le récit d'une mandragore 
que j'ai vue à Metz entre les 
mains d'un riche juif, c'étoit un petit 
monstre à peu près semblable à la figure 
que j'en donne ici gravée; elle 
n'étoit pas plus grosse que le poing; 
ce petit monstre n'avoit vécu que cinq 
semaines, & dans si peu de tems avoit 
fait la fortune de ce juif, qui m'avoua 
que le septieme jour qu'il l'eut, 
il lui avoit été inspiré la nuit en dormant 
d'aller dans une vieille masure, 
où il trouva une somme fort considérable 
d'argent monnoyé, & beaucoup 
de bijoux d'orfèvrerie cachés en terre, 
& que depuis il avoit toujours prospéré 
dans les affaires; il m'étonna 
[179]
bien en me disant de quelle manière 
il avoit eu cette mandragore. J'ai suivi, 
me dit-il, ce que le célèbre Avicenne 
a écrit sur ce sujet, qu'il faut avoir un 
gros œuf de poule noire, le percer, 
en faire sortir un peu de la glaire, 
c'est-à-dire, environ la grosseur d'une 
feve; & l'ayant rempli de semence 
humaine, on bouchera le pertuis bien 
subtilement, en y coulant un petit 
morceau de parchemin humecté, puis 
on le met couver au premier jour de la 
lune de Mars dans une heureuse constellation 
de Mercure & de Jupiter; & 
au bout du tems convenable, l'œuf 
venant à éclorre, il en sort un petit 
monstre comme vous le voyez; on le 
nourrit dans une chambre secrette 
avec de la graine d'aspic & des vers 
de terre; celui que vous voyez n'a 
vécu que l'espace d'un mois & cinq 
jours. Et, pour le conserver après sa 
mort, on le met dans un bocal de 
verre fort avec de l'esprit de vin bien 
bouché. 
 
Les deux talismans que l'on voit 
gravés au-dessous de la mandragore, 
ont été tirés de la clavicule de Salomon, 
où on les voit en original dans 
le cabinet du duc de Lithuanie: ils ont 
été faits par le savant Robin [Rabbin]-Isaac Radiel, 
tous deux sous les auspices 
de la planete Mercure, comme il 
est aisé d'en juger par les caractères 
qui sont marqués dans le second. 
Leur propriété s'étend sur le négoce, 
sur les voyages & sur les jeux, leur 
matière est celle qui convient à Mercure. 
Ceux qui voudront s'instruire à 
fond de cette science cabalistique des 
talismans, peuvent lire avec application 
les œuvres de Paracelse, de 
Cardau [*Cardan], de Jamblic, de Jean-Baptiste Porta, 
de Campanel, de Gaffarel, V
an Helmont, Junctin, Titheme [*Trithème, Trithemius], 
Agrippa, Coclenius, Monecjus & 
Flud [*Fludd]; tous ces auteurs traitent ces 
matieres par principes astrologiques, 
[181]
cabalistiques & naturels, d'une manière 
fort sublime. 
 
Tous ceux qui ont traité de ce 
merveilleux secret, jusqu'à présent, 
se sont efforcés par de grands raisonnemens 
physiques d'en prouver la 
réalité; & comme il est difficile de 
parler clairement d'une chose qui est 
par elle-même extrêmement obscure 
& cachée, ce n'est pas merveille si 
ces messieurs les physiciens n'ont pas 
beaucoup converti d'incrédules, ni 
convaincu de savants par leurs raisonnemens; 
le chevalier Digby passe 
pour un de ceux qui en ont parlé avec 
plus d'évidence, & cependant il ne 
s'est pas rendu intelligible pour toutes 
sortes de personnes, parce qu'il suppose 
ces principes dont on croit être 
en droit de lui demander des raisons, 
aussi-bien que du secret qu'il établit 
sur ces principes supposés.
 
Il faut avoir de bon vitriol romain 
[182]
que l'on calcine, ou plutôt que l'on 
purifie de ses humidités superflues, 
en l'exposant durant trois ou quatre 
jours au gros soleil, étant renfermé 
dans une fiole de verre bien bouchée. 
On doit délayer de ce vitriol dans un 
petit bassin d'eau de pluie, filtrée au 
feu, environ une once pour une pinte 
d'eau; & si c'est en été que l'on veut 
opérer quelque guérison, on n'approchera 
point cette eau du feu, parce 
qu'il faut qu'elle ne soit ni froide, ni 
chaude, mais dans un juste tempérament 
entre le froid & le chaud; puis 
on fera tremper dans cette composition 
vitriolique un linge imbibé du 
sang sorti de la plaie que l'on veut 
guérir, & on le retirera étant bien 
mouillé. 
 
Si le malade est éloigné du lieu oà 
se fait l'opération, ensorte qu'après 
ce premier linge imbibé de son sang, 
on n'eu puisse pas avoir commodément 
d'autre, on se contentera de 
tremper le même linge de douze heures 
[183]
en douze heures dans l'eau vitriolée, 
& de tenir ce linge dans un lieu 
tempéré. Ce qui est en cela admirable, 
est que toutes les fois que l'on 
trempera le linge, le malade ressentira 
à sa plaie un soulagement pareil à celui 
que donne un habile chirurgien, 
quand il panse de nouveau une plaie; 
& le malade sera guéri en fort peu de 
tems, par la vertu inestimable du vitriol, 
dont nous aurons occasion de 
parler ailleurs. 
 
Ce n'est pas seulement en creusant 
& fouillant dans les entrailles de la 
terre que l'on trouve l'or. L'art peut 
bien imiter la nature en ce point, puisqu'il 
la perfectionne en bien d'autres 
choses. Je dirai donc ici ce qui a été 
éprouvé une infinité de fois, & qui 
est devenu fort commun entre ceux 
qui travaillent au grand œuvre. Vous 
aurez donc un grand creuset qui soit 
à l'épreuve du plus violent feu; & 
[184]
l'ayant mis sur un fourneau bien ardent, 
vous mettrez au fond dudit 
creuset de la poudre de colophane, 
de l'épaisseur du petit doigt, & vous 
saupoudrerez sur cette colophane l'épaisseur 
d'un doigt de fine poudre de 
limaille de fer, vous couvrirez cette 
limaille d'un peu de soufre rouge, 
vous pousserez le feu du fourneau, 
jusqu'à faire fondre la limaille 
de fer; puis vous y jetterez du 
borax dont usent les orfevres pour 
ondre l'or; vous y jetterez pareille 
quantité d'arsenic rouge, & autant 
pesant d'argent qu'on y a mis de limaille 
de fer, & laisserez cuire cette 
composition en poussant le feu du 
fourneau, & prenez garde de respirer 
la vapeur du creuset à cause de l'arsenic. 
Vous aurez un autre creuset, 
dans lequel vous verserez par inclination 
la matiere recuite, que vous 
aurez auparavant bien mêlangée avec 
une spatule de fer, & vous ferez ensorte 
qu'elle coule dans ce second 
[185]
creuset, purifiée & sans ordures; par 
le moyen de l'eau de séparation, l'or 
se précipitera au fond; & quand vous 
l'aurez recueilli, vous le ferez fondre 
dans un creuset, & vous aurez de 
bel or qui vous dédommagera de vos 
peines & dépenses. J'ai tiré ce secret 
d'un livre qui a pour titre, le Cabinet hermétique; 
& la facilité avec laquelle 
on y peut réussir m'a invité à en 
faire plusieurs fois l'expérience, d'autant 
plus volontiers, que je l'ai trouvée 
conforme dans son exécution, à ce 
que dit le très-savant Basile Valentin, 
que l'épreuve du grand œuvre des philosophes 
se peut faire en moins de trois 
ou quatre jours, que la dépense ne doit 
pas excéder la somme de trois ou 
quatre florins, & que trois ou quatre 
vaisseaux de terre peuvent suffire.
 
En voici d'une autre manière que 
nous a laissé Caravana, espagnol des 
colonies d'Amérique. Vous prendrez 
[186]
du soufre vif, du sel nître, du 
salpêtre, de chacun même quantité, 
c'est-à-dire environ quatre onces de 
chacun; le tout étant bien pulvérisé, 
sera mis dans une bosse ou grande 
cornue de verre fort bien lutée, & 
garnie de terre grasse; on la mettra 
auprès d'un feu lent, l'espace de deux 
heures, puis augmentez le feu jusqu'à 
ce qu'il ne fasse aucune fumée, après 
la fumée sortira une flamme hors du 
cou de la bosse le long des côtés; & 
cette flamme étant cessée, on verra 
le soufre précipité au fond, de couleur 
blanchâtre & fixe, on le tirera; 
& y joignant autant de sel ammoniac, 
on pilera & pulvérisera le tout 
ensemble bien subtilement, & on le 
fera sublimer en commençant par un 
feu lent, & augmentant toujours peu 
à peu, jusqu'à ce qu'il monte l'espace 
de quatre heures; puis on retirera 
du vase tout ce qui sera sublimé, 
aussi-bien que les lies qui se trouveront 
au fond; vous incorporerez le 
[187]
tout ensemble & sublimerez derechef, 
continuant cette manière de 
sublimation jusqu'à six fois; après 
quoi le soufre étant au fond du vase, 
sera recueilli & pilé sur un marbre en 
lieu humide, & il se convertira en 
huile, de laquelle vous mettrez six 
gouttes sur un ducat d'or fondu au 
creuset, & se fera une huile qui, 
étant mise sur un marbre, se congèlera; 
& si vous mettez une partie de 
cette huile sur cinquante de mercure 
préparé & purgé, vous aurez un soleil 
très excellent. 
 
Comme ainsi soit que les véritables 
opérateurs du grand art philosophique 
soient unanimement d'accord, 
que la Lune, c'est-à-dire, l'argent 
est par soi, & quant à sa substance, 
le vrai Soleil, c'est-à-dire, 
l'or, & qu'il ne lui faut autre chose 
qu'une parfaite coction. Pour donc 
[188]
parvenir à cette parfaite coction, on 
y procédera en cette maniere, pour 
en faire seulement l'épreuve: vous 
préparerez une cendre, composée de 
bois de sarment, d'os de chevaux ou 
de bœuf, bien brûlés & calcinés, 
jusqu'à ce qu'ils soient bien blancs; 
vous pulvériserez cette cendre, & la 
mettrez dans un vaisseau de terre vernissée, 
que vous remplirez d'eau de 
forge, & y ajouterez autant de bonne 
chaux vive qu'il y aura de cendre; 
vous ferez bouillir le tout ensemble, 
jusqu'à réduction de la moitié de 
l'eau; & pour lors vous y mettrez 
quatre onces de bon argent fin, que 
vous aurez battu en petites lames, 
environ l'épaisseur d'un sol; vous ferez 
douze lames de votre argent & 
les jetterez dans le vase avec votre 
cendre en décoction, & continuerez 
de faire bouillir jusqu'à réduction 
de moitié cette moitié d'eau qui restoit; 
puis vous retirerez vos douze 
lames d'argent, que vous essuierez 
[189]
proprement avec un linge blanc, & 
laisserez reposer la composition qui 
est dans le vase; & il se formera sur 
la superficie une espece de sel, en 
forme de cristal, qu'il faudra recueillir 
avec une espatule d'étain; & vous 
verserez un peu d'autre eau de forge 
dans le vase, & le ferez derechef 
bouillir, puis refroidir, pour en ôter 
encore le sel qui se formera sur la superficie; 
& continuerez ces ébullitions, 
jusqu'à ce que votre composition 
ne rende presque plus de sel; 
ajoutez à ce sel philosophique quatre 
fois autant d'un autre sel que l'on 
appelle sel végétal, qui est composé 
de soufre, de salpêtre & de tartre, 
en la maniere que les bons artistes le 
savent faire, on en trouve chez les 
bons apothicaires. Outre cela, vous 
prendrez quatre fois autant de bon 
ciment de tuiles des plus rouges que 
vous pourrez trouver; vous les réduirez 
en poudre fine, & vous battrez 
autant de petites lames d'or de 
[190]
ducats, que vous aurez préparé de lames 
d'argent, l'un & l'autre en même 
poids, vous aurez le meilleur creuset 
que vous pourrez, & dans le fond 
vous ferez un lit des poudres que vous 
aurez préparées de vos sels, de votre 
ciment. de terre rouge, avec un peu 
de borax dont se servent les orfèvres; 
sur le premier, vous mettrez une 
lame d'or, que vous couvrirez d'un 
second lit de vos sels & ciment, puis 
vous y mettrez une seconde lame 
d'or, & ferez ainsi jusqu'à la douzieme, 
qui sera pareillement couverte 
comme les autres, puis vous 
mettrez le creuset couvert & luté de 
terre grasse au fourneau ardent, tant 
de tems que vous puissiez présumer 
que votre or sera fondu & précipité 
au fond du creuset. Ce qu'étant achevé, 
vous aurez un autre vaisseau en 
forme de cornue où il y ait une ouverture 
que l'on puisse ouvrir & boucher 
quand l'on voudra, lorsqu'il sera 
au fourneau; vous mettrez votre or 
[191]
dans ce vaisseau, avec un peu de borax 
pour le refondre, & quand vous 
aurez raison de croire que l'or est 
fondu, vous jetterez par l'ouverture 
du vaisseau une de vos lames d'argent 
préparé, afin que l'or le dévore 
& s'en nourrisse. Vous continuerez, 
& de douze heures en douze heures, 
de jetterez une lame d'argent dans le 
vaisseau jusqu'à la dernière, ayant 
grand soin d'entretenir le feu dans un 
même équilibre, en sorte que la matiere 
puisse toujours être fondue; 
quand vos douze lames d'argent seront 
dévorées, vous pourrez laisser 
éteindre votre feu & refroidir le vaisseau, 
dans lequel vous y trouverez 
presque au double d'or que vous y 
aviez mis; & ce vous sera un très 
bonne menstrue pour augmenter l'or, 
en suivant exactement la méthode 
que je viens de donner. On le peut 
multiplier jusqu'à un million de 
parties. 
 
Si le grand nom d'Aristée n'étoit 
pas devenu célèbre chez les artistes 
du grand œuvre, on auroit peine à 
croire ce qu'il dit dans cet écrit qu'il 
adresse à son f1ls, pour son instruction 
dans l'entreprise du grand œuvre 
philosophique; on découvre à 
travers les obscurités de cet écrit, 
qu'Aristée a eu la pensée que la pierre 
mystérieuse des philosophes se doive 
faire avec l'air condensé & rendu 
palpable artistement: voici donc de 
quelle manière il instruit son f1ls sur 
ce grand sujet.
 
Mon f1ls, après t'avoir donné la 
connoissance de toutes choses, & 
t'avoir appris comment tu devois 
vivre, & de quelle manière tu devois 
régler ta conduite par les maximes 
d'une excellente philosophie; après 
t'avoir instruit aussi de ce qui regarde 
l'ordre & la nature de la monarchie 
de l'univers, il ne me reste autre 
[193]
chose à te communiquer que les cles 
de la nature, que j'ai jusqu'ici conservées 
avec un très-grand soin. Entre 
toutes ces clés, celle qui tient le lieu 
fermé aux plus sublimes génies doit 
tenir le premier rang: elle est la 
source générale de toutes choses, & 
on ne doute point que Dieu ne lui 
ait particulièrement donné une propriété 
toute divine. 
 
Lorsqu'on est en possession de cette 
clef, les richesses deviennent misérables, 
d'autant qu'il n'y a point de 
trésor qui puisse lui être comparé. En 
effet, de quoi servent les richesses, 
lorsqu'on est sujet à être affligé des 
infirmités humaines? A quoi sont 
bon les trésors, lorsqu'on se voit 
terrassé par la mort? Il n'y a point 
de richesse qu'il ne faille abandonner 
lorsque la mort se saisit de nous. 
Il n'en est pas de même quand je 
possede cette clef; car pour lors je 
vois la mort loin de moi, & je suis 
assuré que j'ai en mon pouvoir un 
[194]
secret, qui m'ôte toute l'appréhension 
des misères de cette vie. J'ai des richesses 
à commandement, & je ne 
manque point de trésors; la langueur 
fuit devant moi, & je retarde les approches 
de la mort, lorsque je possède 
la clef dorée du grand œuvre.
 
C'est de cette clef, mon fils, que 
je veux te faire mon héritier; mais 
je te conjure, par le nom de Dieu & 
par le lieu saint qu'il habite, de la 
tenir enfermée dans le cabinet de ton 
cœur & sous le sceau du silence; si tu 
sais t'en servir, elle te comblera de 
biens, & lorsque tu seras vieux ou 
malade, elle te rajeunira, te soulagera 
& te guérira; car elle a la vertu 
particuliere de guérir toutes les maladies, 
d'illustrer les métaux, & de 
rendre heureux ceux qui la possedent. 
C'est une clef que nos peres nous ont 
fort recommandée sous le lien 
du serment. Apprends donc à la connoître, 
& ne cesse point de faire du 
bien aux pauvre, à la veuve & à l'orphelin, 
[195]
& que c'en soit-là le sceau 
& le véritable caractere.
 
Sachez donc que tous les êtres qui 
sont sous le ciel divisés en especes 
différentes, tirent leur origine d'un 
même principe, & que c'est à l'air 
qu'ils doivent tous leur naissance 
comme à leur principe commun. La 
nourriture de chaque chose fait voir 
quel est son principe, puisque ce qui 
soutient la vie est cela même qui 
donne l'être. Le poisson jouit de l'eau, 
& l'enfant tette sa mere. L'arbre ne 
produit aucun fruit, lorsque son tronc 
n'a plus d'humidité. On connoît par 
la vie le principe des choses; la vie 
des choses est l'air, & par conséquent 
l'air est leur principe. C'est pour cela 
que l'air corrompt toutes choses, & 
que comme il leur donne la vie, il 
la leur ôte aussi de même. Le bois, 
le fer, les pierres prennent fin par le 
feu, & le feu ne peut subsister que 
par l'air. Mais telle qu'est la cause de 
la corruption, teIle l'est aussi de la 
génération. 
[196]
 
Quand, par diverses corruptions, 
il arrive enfin que les créatures souffrent, 
soit par le tems ou par le défaut 
du sort, l'air survenant à leur secours, 
les guérit, soit qu'elles soient 
imparfaites ou languissantes. La terre, 
l'arbre & l'herbe languissent par l'ardeur 
de trop de sécheresse, mais toutes 
choses sont réparées par la rosée de 
l'air. Comme néanmoins nulle créature 
ne peut être réparée & rétablie 
qu'en sa propre nature, l'air étant la 
fontaine & la source originelle de toutes 
choses, il en est pareillement la 
source universelle. On voit manifestement 
que la semence, la mort, la 
maladie & le remede de toutes choses 
sont dans l'air. 
 
La nature y a mis tous ses trésors 
en y mettant les principes de génération 
& de corruption de toutes choses, 
& les y tient renfermées comme 
sous des portes particulières & secrètes; 
mais c'est véritablement posséder 
la clef dorée de ces portes, que de 
[197]
savoir ouvrir assez heureusement, 
pour puiser l'air précipitant de l'air 
même, car si l'on ignore comment il 
faut puiser cet air, il est impossible 
d'acquérir ce qui guérit généralement 
toutes les maladies, & qui redonne 
ou conserve la vie aux hommes.
  
Si tu desires donc, ô mon fils, de 
chasser toutes tes infirmités, il faut 
que tu en cherches le moyen dans la 
source primitive & universelle. La 
nature ne produit de semblable que 
par le semblable, & il n'y a que ce 
qui est semblable ou de conforme 
à la nature, qui peut faire du bien à 
la nature. Apprends donc, mon fils, 
à prendre l'air, apprenez à conserver 
la clé de la nature. C'est véritablement 
un secret qui passe la portée de 
l'esprit de l'homme vulgaire, mais 
non pas sage; savoir tirer l'air de 
l'air, l'aréance cééleste, les créatures 
peuvent bien connoître l'air; mais 
pour prendre l'air, il faut avoir la 
clef secrette de la nature.
[198]
 
C'est un granjd secret de comprendre 
la vertu que la nature a imprimée 
aux choses. Car les naues se prennent 
par des natures semblables; un 
poisson se prend avec un poisson; un 
oiseau avec un oiseau; l'air se prend 
avec un autre air, comme avec une 
douce amorce. La neige & la glace 
sont un air que le froid a congelé; 
la nature leur a donné la disposition 
qu'il faut pour prendre l'air. 
 
Tu mettras donc l'une de ces deux 
choses dans un vaisseau de terre ou de 
métal qui soit bien fermé, bien bouché, 
& tu prendras l'air qui se congele 
à l'entour de ce vase durant un 
tems chaud; recevant ce qui distille 
dans un vaisseau profond & bien étroit 
par le col épais, fort & net, afin que 
tu puisses faire comme il te plaira, ou 
les rayons du Soleil ou de la Lune, 
c'est-à-dire, l'or & l'argent. Lorsque 
tu en auras rempli un vase, bouche-le 
bien, de peur que cette céleste 
étincelle qui s'y est concentrée ne 
[199]
s'envole dans l'air. Emplis de liqueur 
autant de vases que tu voudras; écoute 
ensuite ce que tu dois en faire, & 
garde le silence. 
 
Bâtis un fourneau, places-y un 
petit vase, moitié plein de l'air liquide 
que tu auras recueilli, scelle & 
lute ledit vase exactement. Allume 
ensuite ton feu, ensorte que la plus 
légere partie de la fumée monte souvent 
en haut; que la nature fasse ce 
que fait continuellement le feu central 
au milieu de la terre, où il agite 
les vapeurs de l'air par une circulation 
qui ne cesse jamais. Il faut que 
ce feu soit léger, doux & humide, 
semblable à celui d'un oiseau qui 
couve ses œufs. Tu dois continuer le 
feu de cette sorte, & l'entretenir en 
cet état, afin qu'il ne brûle pas, mais 
plutôt qu'il cuise ses fruits aériens, 
jusqu'à ce qu'après avoir été agité 
d'un mouvement, pendant un long 
tems, il demeure entièrement cuit au 
fond du vaisseau. 
[200]
 
Tu ajouteras ensuite à cet air cuit 
un nouvel air, non en grande quantité, 
mais autant qu'il en faut, c'est-à-dire 
un peu moins que la premiere 
fois; continuerez ainsi, jusqu'à ce 
qu'il ne reste qu'un demi-bocal d'air 
liquide qui n'ait point été cuit. 
Faites ensorte que ce qui a été cuit se 
liquéfie doucement par fermentation 
au fumier chaud, qu'il noircisse, qu'il 
s'endurcisse, qu'il s'unisse, qu'il se 
fixe & qu'il rougisse. Ensuite, la partie 
pure étant séparée de l'impure par le 
moyen du feu légitime, & par un artifice 
tout divin, tu prendras une partie 
pure d'air crud que mêleras avec 
la partie pure qui a été durcie; tu auras 
soin que le tout se dissolve & s'unisse, 
qu'il devienne médiocrement 
noir, puis blanc, & enfin parfaitement 
rouge. C'est ici la fin de l'œuvre, & 
tu auras fait élixir qui produit toutes 
les merveilles que nos sages devanciers 
ont eu raison de tant estimer, & 
tu posséderas par ce moyen la clef dorée 
[201]
du plus inestimable secret de la 
nature, le vrai or potable & la médecine 
universelle; je t'en laisse un petit 
échantillon dont la bonté te sera 
prouvée par la parfaite santé dont je 
jouis, étant âgé de plus de cent huit 
ans; travaille, & tu seras aussi heureux 
que je l'ai été, ainsi que je le souhaite 
au nom & par la puissance du 
grand architecte de l'univers. 
 
Ceux d'entre les habiles artistes du 
grand œuvre, qui ont fait de solides 
réflexions sur ces principes donnés au 
fils d'Aristée, croient que l'on ne travailleroit 
pas en vain, si on faisoit 
un mêlange avec le véritable baume 
de mercure, & voici de quelle maniere 
ils prétendent que l'on doit s'y doit 
prendre pour faire ce baume. 
 
Vous prendrez une livre du meilleur 
mercure que vous pourrez avoir, 
vous le purgerez trois fois par la peau, 
& une fois par le tartre de Montpellier 
calciné, vous le mettrez dans une 
cornue de verre fort qui soit à l'épreuve 
[202]
du gros feu; vous y joindrez 
du vitriol, du sel nitre, de l'alun 
de roche, & huit onces de bon esprit 
de vin; & la cornue étant lutée hermétiquement, 
ensorte que rien ne se 
puisse évaporer, vous la mettrez en 
digestion dans le fumier chaud durant 
quinze jours; & au bout de ce tems, 
l'on trouve cette composition transformée 
en graisse morveuse: il la faut 
exposer au feu de sable & pousser 
peu-à-peu le feu violemment, jusqu'à 
ce qu'il en sorte une humeur blanche 
comme lait, qui tombe dans le récipient; 
puis la remettre dans la cornue 
pour la rectifier, afin d'en consommer 
le flegme. Cette seconde distillation 
fait sortir une huile blanche 
suave, & n'a aucune corrosion, laquelle 
surpasse en excellence toutes les 
autres huiles métalliques; & il est sans 
doute, car si on la joint avec l'élixir 
d'Aristée, on opérera toutes les merveilles 
que l'on peut espérer d'un si 
beau travail. 
[203]
 
Je ne sais si je dois avancer ici quelque 
chose sur la foi d'un Arabe qui a 
écrit sur ces sortes de matieres. Il 
assure que ces deux élixirs étant joints 
ensemble, avec pareille pesanteur du 
plus fin or de vie ou précipité d'or, 
on en fait immanquablement la pierre 
des philosophes; il prétend que cette 
opération se doit faire dans une fiole 
de verre fort au feu de sable, & que 
la calcination qui reste au fond de la 
fiole peut multiplier jusqu'à cent mille 
parties, & qu'elle est à toute épreuve.
  
Prenez deux onces de vif argent, 
purgé & nettoyé par le sel & vinaigre, 
joignez-le à une drachme d'or 
fin oriental mis en poudre, & pêtrissez 
bien ces deux matieres dans un plat 
de terre vernissé qui soit un peu chaud 
jusqu'à ce qu'elles soient bien mêlées: 
cette mixtion s'appelle communément 
amalgame; versez cette amalgame en 
eau froide; s'il reste quelque peu 
[204]
d'argent vif qui ne soit pas incorporé 
avec l'or, il faut le passer au sac de 
cuir pour le purifier, & pour le rejoindre 
à votre amalgame, que vous 
laverez avec sel & vinaigre distillés 
jusqu'à ce qu'il n'en paroisse aucune 
ordure; que, s'il arrive que l'argent 
vif se diminue par les mouvemens des 
mixtions & purifications que l'on en 
fait, il le faut réparer, ensorte que 
pour une drachme d'or il y ait huit 
drachmes de fin argent. Ensuite vous 
mettrez l'amalgame dans un alambic 
de verre fort qui soit bien luté & bien 
bouché avec de la terre grasse, & y 
verser dessus deux onces d'eau-forte, 
& y faire distiller cette composition 
au feu de sable, puis vous remettrez 
dans l'alambic ce qui sera tombé dans 
le récipient: continuez cela jusqu'à 
cinq fois, après quoi vous trouverez 
au fond de l'alambic une poudre que 
vous mettrez dans un vaisseau de terre 
qui souffre le feu violent; vous arroserez 
cette poudre avec de bonne eau 
[205]
rose; & ayant si bien bouché le vaisseau 
que rien ne puisse s'évaporer, 
vous le mettrez au fourneau & pousserez 
le feu tant que le vaisseau en devienne 
rouge, & le laisserez refroidir 
dans le même fourneau, & votre or 
précipité sera fait. 
 
Il a la propriété de guérir de la 
peste, de la vérole, de la ladrerie, de 
l'hydropisiè, & autres maladies difficiles 
à guérir: il est souverain contre 
les oppilations, contre les obstructions 
de foie, il est profitable à ceux 
qui ont bu du venin ou mangé des 
viandes empoisonnées; on s'en sert 
pour guérir les mauvais ulcères, les 
érésipelles envenimées, soit en le prenant 
dans quelque liqueur, soit en le 
mêlangeant avec l'onguent des emplâtres; 
il n'en faut donner que le poids 
d'un demi-denier délayé dans deux 
cuillerées de bon sirop de capilaire, 
pour les femmes & les jeunes gens, 
& le poids d'un denier délayé dans un 
[206]
demi-verre de bon vin vieux, pour 
les personnes âgées.
  
J'ai appris d'un moine, excellent 
chymiste, & en la capacité duquel une 
reine de France avait tant de croyance, 
que les ordonnances de ses médecins 
n'étoient point exécutées, si ce moine 
ne les autorisoit par son approbation: 
j'ai, dis-je, appris de ce moine, que 
le sang du cerf est un prompt dissolvant 
de l'or. En voici la recette: vous 
prendrez deux livres du sang d'un cerf 
fraîchement tué, vous le distillerez 
au bain-marie par cohobation jusqu'à 
cinq fois, en remettant toujours la 
distillation sur le marc qui reste dans 
l'alambic, & à la cinquieme fois vous 
la garderez dans une fiole de verre 
fort; & cette quintessence est un si 
bon & si facile dissolvant de l'or, que 
vous en pourrez faire l'épreuve sur 
votre main, sans en être endommagé.
  
Prenez deux onces de salpêtre, une 
demi-once de soufre, une demi-once 
de sciure de bois de noyer bien sec; 
vous réduirez tout cela en poudre 
impalpable, & de cette poudre vous 
emplirez une grande coquille de noix, 
tant qu'elle pourra en contenir; & 
sur cette poudre vous mettrez une petite 
lame fine d'or que vous poserez 
dans toute la circonférence sur la 
poudre, & vous couvrirez ladite 
lame de la même poudre, environ de 
l'épaisseur d'un travers de doigt; & 
vous verrez par expérience que la 
lame fondra au fond de la coquille, 
sans que cette coquille en soit brûlée: 
cette expérience se fait en la même 
maniere pour les autres métaux.
 
Il y a bien des gens qui rejettent 
comme incertaine la méthode que le 
savant chymiste Falopius a laissée dans 
[208]
cet état pour changer le plomb en or 
fin, parce qu'elle paroît trop facile 
pour une œuvre de cette importance: 
cependant il n'est pas le seul entre les 
philosophes adoptés qui en ont parlé 
en termes équivalens; Basile, Valentin 
& Odomarus disent à ce sujet 
presque la même chose que Falopius. 
Quoi qu'il en soit, voici de quelle 
maniere il dit qu'il faut s'y comporter. 
Vous ferez infuser une livre de 
couperose de Cypre, dans une livre 
d'eau de forge, que vous aurez bien 
clarifiée par filtration; l'infusion doit 
être de 24 heures, en telle sorte que 
la couperose soit entièrement liquéfiée 
& incorporée avec l'eau; puis vous la 
distillerez par filtration avec des morceaux 
de feûtre bien net, & après par 
l'alambic au feu de sable, & vous 
conserverez cette distillation dans un 
bocal de verre fort, bien bouché, 
puis vous mettrez une once de bon 
vif argent purifié dans le creuset que 
vous couvrirez pour empêcher l'évaporation, 
[209]
& quand vous pourrez présumer 
qu'il commencera à bouillir, 
vous y joindrez une once de feuilles 
fines de bon or, & vous retirerez 
aussi-tôt le creuset du feu; ce qu'étant fait, 
prenez une livre de plomb fin & 
très-purifié en la manière que nous 
dirons ci-après; lequel plomb étant 
fondu, vous y incorporerez la composition 
d'or & de vif-argent que vous 
aurez préparées, & vous mêlangerez 
bien ces trois choses ensemble sur le 
feu avec une broche de fer; & quand 
tout sera bien mêlangé, ajoutez-y une 
once de votre eau de couperose, & 
laissez digérer le tout ensemble sur 
votre feu, pendant un petit espace de tems, 
& quand la composition sera refroidie, 
vous trouverez que ce sera de 
bon or. Remarquez que le plomb se 
prépare & purifie en cette maniere. 
Pour en avoir une livre de purifié, il 
en faut mettre à la cuillerée, quatre 
onces au-dessus de la livre pour suppléer 
aux scories & à l'évaporation, 
[210]
puis l'ayant fondu pour la premiere 
fois, on le fait éteindre dans de bon 
& fort vinaigre clarifié, on le fond 
derechef, & on le fait éteindre dans 
du jus ou suc de chelidoine; on continue 
de le fondre, & on l'éteint en 
eau salée; enfin on le fond pour la 
derniere fois, & on l'éteint dans du 
fort vinaigre, dans lequel on aura 
éteint de la chaux vive, & il sera bien 
purifié. 
 
Ayez deux livres d'étain fin de Cornouailles, 
& une livre de plomb purgé 
& affiné, comme je l'ai expliqué ci-devant. 
Vous mettrez votre étain 
dans une cornue qui puisse enducer le 
feu violent; il faut que l'étain soit 
haché en limail1e, & vous y joindrez 
quatre onces d'argent vif dans le tems 
qu'il commencera à bouillir dans la 
cornue, & un moment après vous le 
retirerez de dessus le feu, & vous mettrez 
[211]
dans la cornue la livre de plomb 
affiné, haché pareillement en limaille; 
puis vous ajusterez la cornue de 
sorte que vous puissiez, sans craindre 
l'évaporation subite du vif argent, le 
faire bouillir au feu de raréfaction, 
jusqu'à ce que vous voyiez que le vif 
argent saillisse par le cou de la cornue 
goutte à goutte, & se consomme entièrement; 
vous trouverez au fond de 
la cornue votre étain transmué, vous 
le ferez fondre jusqu'à trois fois avec 
une bonne once de bonne huile de lin 
à chaque fois; puis la derniere fois, 
vous le jetterez tout fondu dans une 
bonne lessive bouillante de gravelée, 
& vous le trouverez au fond du chauderon 
en grenailles; vous le fondrez encore 
une fois avec l'huile, & le 
coulerez dans quelque vaisseau de 
terre neuve, ou vous en formerez un 
lingot ou autre en telle forme qu'il 
vous plaira; & après toutes ces fontes 
réitérées, de trois livres & un quart 
de matiere que vous aviez au commencement, 
[212]
il vous en restera au moins 
deux livres & demie d'un métal qui 
pourra passer pour de bon argent, en 
ayant la fermeté & le son. 
 
Attendu que le borax est une drogue 
extrêmement nécessaire pour les 
opérations chymiques de l'or & de 
l'argent, je crois qu'il ne sera pas hors 
de propos de donner ici la maniere 
d'en faire qui soit de bon usage & ne 
soit pas d'un grand prix pour épargner 
la dépense. Les Anciens confondoient 
le borax avec le chroisocolle; & il y en 
avoit de naturel & d'artificiel, dont la 
propriété est de résoudre promptement 
sur le feu un corps métallique & 
de rassembler en un corps les parties 
divisées de l'or & de l'argent; bref, 
il sert en toute œuvre où l'on a besoin 
d'une prompte & subite infusion. Le 
borax véritable & naturel, s'il est vrai 
qu'il y en ait, vient ordinairement 
d'Alexandrie; & si on se rapporte aux 
[213]
écrits des anciens chymistes, il est toujours 
venu de cette contrée, & c'est 
de-là qu'il tire son nom de nitre 
alexandrin. Il est pourtant vraisemblable 
qu'on l'apporte des Indes à 
Alexandrie: j'ai vu une relation qui 
explique de cette sorte la maniere 
dont usent les Indiens pour le tirer 
des mines, & pour le conserver & le 
mettre en état d'être transporté où l'on 
veut. On trouve dans les minieres 
d'où l'on tire l'or & l'argent, une espece 
d'eau bourbeuse, on la recueille 
avec la fange sur laquelle on la trouve; 
on la met bouillir durant un certain 
tems, puis on la coule à l'étamine 
ou en un linge, & on la laisse 
refroidir, & elle se congele & devient 
en petites pierres comme le sel nitre; 
& comme l'expérience a fait connoître 
qu'en gardant ainsi ces pierrettes 
long-tems, elles se détruisent & se 
résolvent en poussiere; c'est pourquoi 
afin d'empêcher que cela arrive, on 
les confit, pour ainsi dire, & on les 
[214]
nourrit dans la graisse de porc ou de 
chevre, avec la même fange d'où on 
a tiré l'eau dont elles sont formées; & 
voici comment on pêtrit cette fange 
avec de la graisse, & on en fait une 
pâte; puis ayant fait un creux en 
terre, proportionné à la quantité que 
l'on en peut conserver, on fait premièrement 
un lit de cette pâte, & on 
le couvre de ces pierres de borax; puis 
on fait sur elles un second lit de ladite 
pâte que l'on couvre pareillement de 
ces pierres, & ainsi consécutivement 
jusqu'à ce qu'on ait tout employé de 
petites pierres à remplir le creux, & 
enfin on en couvre la superficie avec 
un dernier lit de la pâte, & on couvre 
le lit avec des planches en bois, 
avec de la terre par-dessus, & on le 
laisse ainsi durant quelques mois, & 
quand on le veut transporter, on le 
met pêle-mêle avec la pâte dans de 
petits barrils, & c'est pourquoi il est 
gras & onctueux. Les femmes qui savent 
distiller bien à point cette pâte 
[215]
grasse, en font un merveilleux fard 
pour embellir le visage & adoucir la 
peau. 
 
Voici de quelle maniere on peut 
faire avec facilité le borax artificiel, 
qui a la même propriété que le naturel, 
& même quelques-uns le trouvent 
meilleur. On prendra de cette 
pâte mêlée de pierrettes qui ne soient 
point moisies, & on en délaiera dix 
livres dans douze pintes d'eau bouillante 
avec deux livres d'huile d'olive: 
on aura soin de bien écumer cette 
mixtion, & on la laissera bouillir 
jusqu'à ce que tout soit bien cuit, 
& on connoîtra à cela, que si on en 
met sur un morceau de bois poli, il 
y demeurera en consistance comme un 
sirop épais; pour lors on l'ôte de dessus 
le feu, & on coule cette mixtion 
à travers un linge clair, on met en 
réserve les pierrettes que l'on couvre 
& bouche bien exactement; puis on 
la met en digestion durant dix jours 
dans du fumier de cheval: au bout 
[216]
de quelque tems on découvre le vaisseau 
& on ôte une petite croûte que 
l'on trouve sut la surface, que l'on 
mettra de côte; puis le reste de sa 
matiere sera comme de petites glaces 
qu'il faudra laver avec de l'eau fraîche, 
& les mettre sécher sur une table 
à l'ombre; puis on le mêlera avec 
les petites pierres que l'on aura mises 
en réserve en faisant la coulaison; 
ensuite vous prenez trois livres de 
tartre de lie de vin blanc calcinée, & 
les délairez dans un grand chauderon 
avec trente pots d'eau de forge bien 
clarifiée; ajoutez-y huit onces de sel 
nitre & une once de présure de lierre, 
vous y mettrez vos pierrettes & vos 
glaces séchées, & vous ferez bouillir 
le tout ensemble comme vous avez 
fait ci-devant; & quand la composition 
sera diminuée de tiers, vous y 
mettrez la croûte que vous aurez ôtée 
de dessus la surface du vaisseau deterre; 
& vous continuerez de le faire bouillir 
jusqu'à ce que, par la même 
[217]
épreuve que ci-devant, vous connoissiez 
que le tout soit bien  cuit; puis 
vous garnirez un petit tonneau de plusieurs 
bâtons en croix d'espace en espace, 
ensorte que les premiers bâtons 
que vous mettrez au fond en soient 
éloignés de quatre doigts de hauteur, 
pour donner lieu aux ordures qui s'y 
précipitent; cela étant ainsi disposé, 
vous fermerez bien le tonneau & l'enfouirez 
dans du fumier chaud l'espace 
de quinze jours, pour donner lieu 
au borax de s'attacher & se congeler 
autour des bâtons; & par cette maniere 
vous l'aurez multiplié de plus de 
quatre fois autant, & l'épreuve vous 
fera voir qu'il est aussi bon que celui 
qu'on a apporté des pays étrangers.
 
Vous prendrez quatre onces des 
plus belles & plus blanches semences 
des perles que vous pourrez trouver: 
les plus grosses sont les meilleures; 
[218]
vous les concasserez, & les ferez dissoudre 
en eau d'alun la plus pure & la 
plus nette, puis vous les pêtrirez l'espace 
d'un quart-d'heure avec une espatule 
d'ivoire, & quand la pâte sera 
en consistance, vous la laverez doucement 
avec de l'eau de pluie distillée, 
puis ayant fait évaporer cette eau sur les 
cendres chaudes, vous les pêtrirez de 
nouveau avec de l'eau de fleurs de feves; 
ensuite vous mettrez cette pâte 
dans un petit vaisseau de verre fort, 
bien bouché, & quand il aura été durant 
quinze jours en digestion dans le 
fumier chaud, vous formerez des perles 
avec cette pâte dans un moule d'argent: 
il sera bon d'observer que le 
moule contienne quatre ou cinq casses 
pour y former autant de perles, & 
qu'elles ne soient pas toutes de la 
mâme figure, c'est-à-dire, qu'elles 
soient un peu plus ou moins rondes 
les unes que les autres, afin de mieux 
imiter les naturelles; on les percera 
pendant qu'elles sont molles, avec 
 
 
[219]
un poil ou soie de pourceau des plus 
gros. Vous les suspendrez dans un 
alambic bien bouché, de peur que 
l'air ne les altere, & vous les ferez 
cuire de la sorte en mettant l'alambic 
au feu de sable modéré; quand il y 
aura été environ six heures, vous en 
retirerez les perles, & les ayant enveloppées 
toutes séparément dans un 
morceau de feuilles d'argent du plus 
fin & moins altéré, vous fendrez un 
barbeau, & ayant vuidé les entrailles 
& étanché le sang, vous y mettrez les 
perles & ferez une pâte de ce barbeau 
sans beurre avec de la farine de feves, 
& le ferez cuire au four.
 
Quand vous tirerez vos perles du 
ventre du barbeau, si elles vous paroissent 
n'avoir pas assez de lustre, 
vous les laverez cinq à six fois de suite 
avec eau distillée des drogues suivantes, 
& de l'herbe nommée graculi, 
des fleurs de feves, de l'alun de roche 
en poudre, de la litharge d'argent, 
des feuilles de plantain pilées, & un 
[220]
pen de salpêtre; enfin pour les durcir 
comme les naturelles, vous ferez 
une pâte comme je vais dire; prenez 
une once & demie de bonne calamine, 
une once de vitriol romain, six blancs 
d'œufs, que vous battrez avec eau 
de plantain durant un demi-quart-d'heure, 
& vous mêlangerez le tout 
ensemble dans un alambic; & de 
l'eau qui en distillera, vous en formerez 
une pâte avec de la farine 
d'orge passée au tamis de soie, & 
vous envelopperez vos perles dans 
un petit linge blanc, vous les ferez 
cuire au four dans cette pâte, & 
soyez persuadé que si vous observez 
toutes ces choses avec exactitude, 
vous aurez des perles d'un grand 
prix, que les plus habiles jouailliers 
auront peine à distinguer des naturelles.
 
Vous aurez une voliere ou petit 
colombier bien exposé au soleil levant, 
dans un lieu gai, vous mettrez 
six pigeons pattus, des plus noirs que 
vous pourrez avoir, & tous mâles, 
& vous commencerez aux trois derniers 
jours de la lune à donner la 
semence d'aspic, au lieu d'autres graines 
qu'on donne ordinairement aux 
pigeons, & au lieu d'eau commune, 
vous leur donnerez à boire d'eau rose.
Puis au premier jour de la lune, vous 
les nourrirez de la maniere suivante; 
vous aurez une pâte composé de fine 
farine de feves, environ le poids de 
six livres, que vous pêtrirez avec de 
l'eau rose & les poudres ci-dessous 
spécifiées; savoir, des fleurs de spica 
nardi, de calami aromatici, de chacun 
six drachmes, de bonne canelle, 
de bons clous de girofle, de noix 
muscades & de gingembre, chacun 
[222]
six drachmes, le tout réduit en fine 
poudre; & vous formerez de cette 
pâte, des grains, de la grosseur d'un 
pois chiche, & vous les ferez sécher 
au soleil, de peur qu'ils ne se moisissent; 
vous en donnerez quatre fois 
par jour six à chaque fois, continuerez 
l'espace de dix-huit jours, 
& les abreuverez de l'eau rose, & aurez 
grand soin de les tenir proprement, 
en nettoyant bien leur fiente; 
au bout de ce tems vous aurez un 
vaisseau de terre vernissé, & coupant 
le cou à chacun de vos pigeons, vous 
ferez couler le sang dans ce vaisseau, 
que vous aurez pesé auparavant, afin 
que vous puissiez savoir au juste combien 
il y aura d'onces de sang dans ce 
vaisseau; & après que vous aurez ôté 
avec une plume l'écume qui se trouvera 
sur le sang, vous y joindrez de 
bon musc oriental, dissous dans un 
peu de bonne eau de rose, il en faut au 
moins une drachme pour trois onces 
de sang, avec six gouttes de fiel de 
[223]
bœuf sur le total, puis vous mettrez 
cette mixtion dans un matras, à col 
long bien bouché, & la ferez digérer 
durant quinze jours dans du fumier 
de cheval bien chaud. Il sera pourtant 
meilleur de faire cette digestion au 
gros soleil d'été& quand on verra 
que la matiere sera bien desséchée 
dans le matras, on l'en tirera pour 
la mettre avec du coton, dans une 
boîte de plomb neuf; ce musc se 
trouvera si fort & si bon, qu'il 
pourra aussi bien servir à en faire 
d'autre, que si c'étoit du vrai musc 
d'Orient; & par ce moyen on peut 
faire un gain considérable en faisant 
fréquemment cette opération, puisque 
la multiplication ira à plus de 
trentes onces par une. 
 
Vous réduirez en poudre fine les 
drogues suivantes, que vous passerez 
au fin tamis; savoir, une 
once d'amidon, une once d'iris de 
[224]
Florence, une demi-once d'aspalatum, 
une once de benjoin, une once 
& demie de spermaceti, & une 
drachme de bon musc d'Orient, que vous 
ferez dissoudre pareillement dans de 
l'eau de cannelle distillée, & vous ferez 
détremper une suffisante quantité 
de gomme adragante dans une pareille 
eau de cannelle, & de tout cela formerez 
une pâte que vous mettrez en 
digestion, comme il a été dit du 
musc, & quand vous jugerez qu'elle 
sera suffisamment seche, vous la garderez 
pour l'usage dans une boîte 
avec du coton, & la tiendrez si bien 
bouchée, qu'elle ne craigne point le 
vent; vous la pourrez conserver dix 
ans dans sa bonté.
 
Vous prendrez quatre onces de 
benjoin, deux onces de storax, un 
quart d'once de bois d'aloës, faites 
bouillir à petit feu ces drogues durant 
une demi-heure, dans un vaisseau de 
[225]
terre vernissé, avec de l'eau rose, 
ensorte que l'eau de rose surpasse de 
deux travers de doigt les drogues qui 
doivent être concassées; ensuite vous 
coulerez votre mixtion; vous en réserverez 
l'eau qui reste; & ayant bien 
fait sécher le marc, vous le pulvériserez 
en fine poudre un mortier fait de 
chaux, avec une livre de bon charbon 
de saule; puis vous faites détremper 
de la gomme adragant dans 
l'eau que vous avez en réserve; puis 
joignant à vos poudres une drachme 
de bon musc d'Orient, dissous dans 
un peu d'eau rose, vous faites de 
tout cela une pâte, de laquelle vous 
formerez des pastilles de la longueur 
& grosseur du petit doigt, pointues 
d'un bout & plates de l'autre, ensorte 
qu'elles se puissent tenir droites sur 
leur cube; & quand elles sont bien 
seches, on les allume par le bout 
pointu, & elles brûlent jusqu'à la fin en 
rendant une très-suave odeur: pour 
les rendre encore meilleures, on y 
[226]
ajoute six grains de bon ambre gris.
  
On est quelquefois étonné de voir 
que l'on vend à vil prix des ouvrages 
d'ivoire d'une excellente ciselure: cela 
ne pourroit être si l'on n'avoit pas 
trouvé le secret d'amollir l'ivoire, pour 
être mise au moule, & par ainsi, faire 
en une heure ce que l'on ne pourroit 
faire en huit jours. Voici donc ce que 
j'en ai appris d'un habile artiste de la 
ville de Dantzic. Il faut bien ratisser un 
morceau d'ivoire, ensorte qu'il soit 
entièrement blanc; puis vous le faites 
bouillir dans de l'eau de mer clarifiée 
par filtration, avec six onces de 
racine de mandragore, & vous éprouvez 
avec une espatule si elle est suffisamment 
molle pour être jettée au 
moule, qui doit être un peu chaud & 
bien net; quand le moule est plein, 
on le 1aisse refroidir, puis on expose 
la figure d'ivoire à la rosée deux ou 
trois jours de suite. 
 
Vous chercherez sur quelque grand 
arbre un nid de pie ou agace, & vous 
irez lier ce nid avec de bonnes cordes 
neuves, ensorte que la mere n'y puisse 
entrer pour nourrir ses petits; puis 
vous étendrez sur la terre quelques 
nappes ou serviettes pour recevoir 
une herbe que la pie va chercher pour 
rompre les cordes dont son nid est 
embarrassé, ce que le Créateur lui 
fait connoîitre par instinct naturel, 
laquelle herbe elle rejette de 
son nid quand les cordes sont rompues, 
& ladite herbe tombant sur 
les nappes ou serviettes, vous la ramassez 
pour vous en servir, ou 
vous en allez chercher de semblable.
  
Vous prendrez du savon réduit en 
[228]
colle un peu épaisse, vous en oindrez 
la barre; puis vous nettoierez l'endroit 
où vous voudrez que la barre 
soit rompue, & avec un pinceau vous 
oindrez cinq ou six fois cet endroit 
avec l'eau ardente, dont nous avons 
parlé ci-devant, qui soit rectifiée & 
quintessenciée jusqu'à trois fois, & 
elle rongera si subitement la substance 
du fer, qu'en moins de six heures de 
tems vous pourrez rompre aisément 
la barre.
 
Vous ferez un anneau de pur argent, 
dans le chaton duquel vous 
enchasserez un morceau de corne de 
pied d'élan; puis vous choisirez un 
lundi du printems auquel la Lune 
sera en aspect bénin ou en conjonction 
avec Jupiter ou Vénus, & à 
l'heure favorable de la constellation, 
vous graverez en dedans de l'anneau 
[229]
ce qui suit: + Dabi + , Habi +, Haber + , Habi +; 
puis l'ayant parfumé 
trois fois avec le parfum du lundi, 
soyez assuré qu'en le portant habituellement 
au doigt du milieu de la 
main, il garantit du mal caduc.
  
Le talisman dont je vais parler est 
gravé ci-devant, & est le premier 
après les sept des nombres mystérieux 
des planètes; il est d'une merveilleuse 
efficacité contre les poisons, 
en donnant à la personne qui le porte 
un pressentiment du danger prochain 
qui la menace, & on ressent une palpitation 
de cœur, qui avertit du péril. 
Il est aussi très-efficace pour garantir 
de la morsure de toutes bêtes 
& insectes venimeuses. Voici de 
quelle maniere on doit faire: on 
formera une petite plaque de fin or, 
bien purifié & polie, un jour de dimanche, 
[230]
à l'heure favorable de la constellation; 
on gravera les figures qui 
sont représentées au modele que j'en 
ai donné au lieu marqué ci-dessus; 
puis on parfumera trois fois du 
parfum propre au dimanche, sous 
les auspices du soleil; & l'ayant enveloppée 
dans un morceau d'étoffe de 
soie convenable, on la portera sur soi 
dans une bourse ou une petite boîte 
bien propre: on peut, si l'on veut, 
graver sur le revers de la plaque un soleil 
dardant ses rayons sur plusieurs 
insectes comme sont crapauds, chenilles, 
&c.
 
J'ai extrait fort exactement les figures 
de ces quatre talismans d'un 
excellent manuscrit original de la bibliotheque 
impériale d'Insbruck. Le 
premier qui représente une face humaine, 
avec des caracteres hébraïques, 
[231]
est bon pour se concilier la 
bienveillance & la familiarité des esprits 
follets, des distributeurs des richesses 
& des honneurs. Il doit être 
formé au dimanche, sous les auspices 
du Soleil, sur une plaque de fin or, 
avec les cérémonies du parfum convenable 
à l'heure que l'on connoîtra 
que la planète sera dans une situation 
favorable, & sur-tout, en bon aspect 
avec Jupiter. 
 
Le second, où l'on voit la figure 
d'un bras qui sort d'un nuage, doit 
être formé un lundi, sous les auspices 
de la Lune, sur une plaque d'argent 
pur & bien polie, avec les cérémonies 
convenables du parfum, & à l'heure 
de la constellation favorable. Il est 
bon pour garantir les voyageurs de 
tous périls de terre & de mer, & principalement 
des insultes des brigands, 
des pirates & des écueils.
 
Le troisieme doit être formé au 
jour de mardi, sous les auspices de la 
planète de Mars, avec les cérémonies 
[232]
du parfum convenable, & à l'heure 
de l'heureuse constellation, Mars 
étant en conjonction avec Jupiter, 
ou regardé bénignement de Vénus. Il 
est très efficace pour faire réussir les 
expéditions militaires, pour charmer 
les armes à feu, ensorte qu'elles ne 
peuvent nuire à ceux qui les portent; 
il doit être gravé sur une plaque de 
fer, purifié & bien polie.
  
Le quatrieme doit être formé au 
jour du mercredi, sous les auspices 
de Mercure, sur une fine plaque de 
mercure fixé, avec les cérémonies 
convenables du parfum propre à la 
planete & à l'heure de la constellation 
heureuse, Mercure étant en conjonction 
ou en aspect bénin avec Vénus 
ou la Lune. Sa vertu & propriété est 
de rendre fortuné dans les jeux & 
dans les entreprises de négoce ceux 
qui le portent; il garantit aussi les 
voyageurs des insultes des brigands, 
& dissipe ou découvre les trahisons 
formées contre la vie de la personne 
qui en est munie.
 
Vous mettrez dans un alambic une 
livre & demie de fleurs de romarin 
bien fraîches, demi livre de fleurs de pouil1ot, 
une demi livre de fleurs de marjolaine, 
demi livre de fleurs de lavande, 
& dessus tout cela trois 
pintes de bonne eau-de-vie; ayant 
bien bouché l'alambic, pour empêcher 
l'évaporation, vous le mettrez 
durant vingt-quatre heures en digestion 
dans le fumier de cheval bien 
chaud; puis vous le mettrez distiller 
au bain-marie. L'usage de cette eau 
est d'en prendre une ou deux fois la 
semaine, le matin à jeun, environ la 
quantité d'une drachme, avec quelque 
autre liqueur ou boisson, de s'en 
laver le visage & tous les membres où 
l'on se sent quelque douleur & débilité. 
Ce remede renouvelle les forces, 
rend l'esprit net, dissipant les fuliginosités, 
[234]
conforte la vue & la conserve 
jusqu'à la vieillesse décrépite, fait paroître 
jeune la personne qui en use, 
est admirable pour l'estomac & la 
poitrine, en s'en frottant par-dessus: 
ce remede ne veut point être chauffé, 
soit que l'on s'en serve par potions ou 
par friction. Cette recette est la véritable 
qui fut donnée à Isabelle, reine 
de Hongrie. 
 
Vous envelopperez du salpêtre dans 
un linge fin; puis l'ayant trempé en 
eau claire, vous toucherez les boutons 
avec ledit linge trempé. Il y a 
une eau qui est d'un bon usage pour 
embellir la face, & que je conseille 
plus volontiers que ce que je viens de 
dire du salpêtre. Vous prendrez deux 
pintes d'eau dans quoi vous aurez fait 
cuire des feves fageolles tant qu'elles 
[235]
se réduisent presque en pâte; cette 
eau étant mise dans un alambic, vous 
y joindrez deux poignées de mouron, 
deux poignées d'argentine, une livre 
de veau haché, avec six œufs frais, & 
sur tout cela une chopine de vinaigre 
blanc. Vous distillerez cette mixtion 
au bain-marie, & vous aurez une eau 
exce1lente pour dissiper les rougeurs 
du visage, en le lavant soir & matin. 
Je sais qu'il y a une infinité de personnes 
qui craignent que ces distillations 
ne les rendent vieilles dès leur 
jeune âge; mais en voici une qui a 
un effet tout contraire, puisqu'elle 
fait paroître jeunes les personnes d'un 
âge avancé. Vous pétrirez un pain 
avec trois livres de farine de froment, 
& une livre de farine de feves, avec 
du lait de chevre, sans levain trop 
aigre; quand vous l'aurez fait cuire 
au four, vous en ôterez toute la mie, 
que vous imbiberez bien avec de 
nouveau lait de chevre & six blancs 
d'œufs passés à l'éponge; ajoutez-y 
[236]
une once de coquille d'œufs calcinée 
& mêlangées; cela étant dans un 
alambic, vous en ferez une distillation 
au feu de sable, & vous aurez une 
excellente eau rajeunissante, en vous 
en frottant tous les jours le visage, 
qu'elle rendra uni & poli comme une 
glace. Ceux ou celles qui ont le visage 
brun ou un peu basané, pourront le 
faire devenir blanc comme neige, en 
se servant de la véritable eau de Venise, 
qui se fait en la maniere suivante. 
Vous prendrez deux pinte de 
lait d'une vache noire, au mois de 
mai, une pinte d'eau de la vigne 
quand elle pleure, huit citrons & 
quatre oranges, hachées menu par 
tranches, deux onces de sucre candi, 
une demi-once de borax bien pulvérisé, 
quatre oignons de narcisse pilés, 
& vous mettrez tout cela distiller & 
rectifier au bain-marie, & vous en 
conserverez l'eau dans une bouteille 
bien bouchée. 
 
Vous prendrez trente pieds de moutons 
& six pieds de veaux, dont vous 
ôterez toute la chair, & ne vous servirez 
que de ceux qui sont longs, 
vous les concasserez le mieux que 
vous pourrez, & vous prendrez bien 
garde à la moëlle qui s'y trouvera, 
vous les mettrez bien cuire dans un 
grand pot de terre neuf, & aurez soin 
dans le commencement du bouillon, 
de l'écumer doucement pour en ôter 
l'ordure sans graisse; quand ils ont 
bouilli l'espace de trois heures, vous 
les laisserez bien refroidir; puis avec 
une cuiller d'argent, vous leverez la 
graisse sur la moëlle qui sera gongelée 
sur la surface du pot, sans en laisser 
aucunement: vous prendrez une pareille 
pesanteur de graisse de panne 
de chevreau; & si ces deux graisses 
pesent une demi livre, vous y ajouterez 
une drachme de borax & autant 
d'alun de roche calciné, deux onces 
[238]
d'huile des quatre semences froides, 
& vous ferez bouillir le tout ensemble 
dans une pinte de vin blanc, qui 
soit bien clair, & le laissant refroidir, 
vous leverez toute la superficie de la 
graisse qui sera congelée, & vous la 
laverez & mondifierez plusieurs fois 
dans de l'eau de rose, jusqu'à ce qu'elle 
soit devenue fort blanche, & vous la 
mettrez dans de petits pots de fayence 
pour vous en servir.
 
Prenez une livre d'iris de Florence, 
quatre onces de storax, deux onces de 
santal citrin, une demi-once de clous 
de girofles, autant de canelle fine, 
une noix muscade & douze grains 
d'ambre gris, que tout cela soit réduit 
en poudre passée au tamis; l'ambre gris 
se met séparément; puis prenez 
deux livres de bon savon blanc, qu'il 
faut raper & mettre dans trois chopines 
d'eau-de-vie, pour tremper quatre 
[239]
ou cinq jours; puis le pêtrissez avec 
de l'eau de fleurs d'oranger, & vous 
en ferez une pâte avec de l'amidon fin 
passé au tamis, & c'est pour lors que 
vous pourrez mêlanger votre ambre gris 
dissous avec un peu de gomme 
adragante liquéfiée dans de l'eau de 
senteur; & de cette pâte vous formerez 
des savonnettes que vous sécherez 
à l'ombre, & les fermerez 
dans des boîtes avec du coton.
  
Ayez un grand alambic, dans lequel 
vous mettrez les drogues suivantes: 
benjoin, quatre onces, storax, 
deux onces, santal citrin, une once, 
clous de girofles, deux drachmes, 
deux ou trois morceaux d'iris de Florence, 
la moitié d'une écorce de citron, 
deux noix muscades, canelle, 
demi-once, deux pintes de bonne eau de roche, 
chopine d'eau de fleurs d'oranges, 
chopine d'eau de mélilot; 
vous mettrez le tout dans un alambic 
[240]
bien scellé & distillé au bain-marie; 
& cette distillation est une eau d'ange exquise.
 
Prenez quatre onces de l'herbe appellée 
serpentine, mettez-la dans un pot 
de terre bouché, puis faites-la digérer 
au ventre de cheval; c'est-à-dire, dans 
le fumier chaud durant quinze jours, 
elle se changera en de petits vers rouges, 
desquels vous tirerez une huile 
selon les principes de l'art, & de cette 
huile vous garnirez une lampe; & 
lorsqu'elle sera allumée dans une 
chambre, elle provoquera au sommeil, 
& endormira si profondément 
ceux qui seront dans ladite chambre, 
que l'on ne pourra en éveiller aucun, 
tant que la lampe sera allumée. 
 
Faites faire deux boîtes de fin acier, 
(semblables aux boîtes ordinaires 
de boussoles de mer) qui soient d'un 
même poids, grandeur & figure, avec 
un bord assez grand pour y mettre 
tout à l'entour toutes les lettres alphabétiques; 
qu'il y ait un pivot au 
fond pour y poser une aiguille, comme 
à un cadran commun: il faut prendre 
garde que vos boîtes soient bien polies 
[242]
& bien nettes; puis chercher entre 
plusieurs pierres d'aiman fin & bon, 
une qui ait, du côté qui tend au midi, 
des veines blanches; & celle que vous 
trouverez la plus longue & la plus 
droite, vous la ferez scier en deux 
parties les plus justes que vous pourrez, 
pour en faire deux aiguilles pour 
vos deux boîtes; il faut qu'elles soient 
d'une même épaisseur & d'un même 
poids, avec un petit trou, pour les 
poser sur le pivot en équilibre. Cela 
ainsi préparé, vous donnerez une de 
ces boîtes à votre ami, avec qui vous 
voulez lier correspondance, & lui 
marquerez une heure de quelque jour 
de la semaine, même une heure de 
chaque jour si on le souhaite, & davantage 
si l'on veut; mais cela sembleroit 
un peu ennuyant; car il faut, 
lorsqu'on veut parler l'un à l'autre, 
être dans son cabinet un quart d'heure 
ou une demi heure, une heure même 
avant celle que vous aurez  assigné à 
votre ami, & aussi-tôt poser votre 
[243]
aiguille sur le pivot de la boîte & la 
regarder pendant ce tems; il faut qu'il 
y ait une croix, ou quelqu'autre marque 
au commencement de l'alphabet, 
afin de voir, quand l'aiguille sera sur 
cette marque, que vous avez intention 
l'un & l'autre de parler, car il 
faut qu'elle se tourne elle-même après 
que l'ami qui sera éloigné l'aura mise, 
toujours avant que de commencer, 
sur cette marque; ainsi, l'ami pour 
faire connoître son intention à l'autre, 
tournera son aiguille sur une lettre, 
& en même tems, l'autre se tournera 
d'elle-même sur la lettre semblable, 
par le rapport qu'elles ont ensemble. 
Quand vous ferez réponse, il faut 
faire la même chose, & lorsque l'on 
aura achevé, on remettra l'aiguille 
sur la même marque. Notez qu'après 
avoir parlé, il faut avoir bien soin 
de serrer la boîte & l'aiguille, séparément 
en du coton, dans une boîte de 
bois, & les garder sur-tout de la rouille. 
[244]
 
Il faut, par exemple, sur deux onces 
de bonne poudre, mettre une 
once de poivre blanc pilé grossièrement, 
& mêler bien le tout; chargez 
votre fusil de ladite poudre un peu 
plus que la charge ordinaire, & par-dessus 
la poudre mettez-y du camphre 
que vous battrez bien; puis mettez 
par-dessus la balle, enveloppée avec 
du papier, un pistolet portera aussi 
loin qu'un fusil. On prend aussi une 
herbe qu'on appelle psillon; c'est une 
graine que l'on cueille aux signe du 
Lion: elle a la semence petite comme 
la moutarde; & on la brûle dans le 
canon du fusil, en rougissant le canon 
dans une forge; & c'est fait. 
 
Prenez huit livres de suc mercurial, 
deux livres de suc de bourrache, tige 
[245]
& feuilles, douze livres de miel de 
Narbonne ou autre, le meilleur du 
pays, mettez le tout bouillir ensemble 
un bouillon pour l'écumer, & 
le passez par la chauffe à hypocras & 
le clarifiez. 
 
Mettez à part infuser pendant vingt-quatre 
heures, quatre onces de racine 
de gentiane, coupée par tranches 
dans trois chopines de vin blanc, sur 
des cendres chaudes, agitant de tems 
en tems; vous passerez ce vin dans un 
linge sans l'exprimer. 
 
Mettez cette collature dans lesdits 
sucs avec le miel, faisant bouillir doucement 
le tout, & cuire en consistance 
de sirop; vous les mettrez à rafraîchir 
dans une terrine vernissée, 
après dans des bouteilles, que vous 
conserverez en un lieu tempéré pour 
vous en servir comme il est dit, en en 
prenant tous les matins une cuillerée.
 
Le sirop dont je vous parle dans ce 
mémoire, prolonge la vie, rétablit la 
santé contre toutes sortes de maladies, 
[246]
même la goutte, dissipe la chaleur des 
entrailles; & quand il ne resteroit dans 
le corps qu'un petit morceau de pulmon, 
& que le reste seroit gâté, il 
maintiendroit le bon, & rétabliroit 
le mauvais; il est bon pour les douleurs 
de l'estomac, pour la sciatique, 
les vertiges, la migraine, & généralement 
pour les douleurs internes.
  
En prenant seulement tous les matins 
une cuillerée de ce sirop, on 
peut s'assurer de n'avoir besoin ni de 
médecin, ni d'apothicaire; & on 
passera les jours de la vie destinés de 
Dieu en une heureuse santé; car il 
a une telle vertu, qu'il ne peut souffrir 
corruption ni mauvaise humeur 
dans le corps, faisant évacuer le tout 
doucement par le bas. 
 
Ce secret a été donné par un pauvre 
paysan de Calabre, à celui qui fut 
nommé par Charles V, pour général 
de cette belle armée navale qu'il envoya 
en Barbarie; le bon homme 
étoit âgé de 132 ans, à ce qu'il assura 
[247]
à ce général, lequel, étoit allé loger 
chez lui; & le voyant d'un si grand 
âge, s'informa de sa maniere de vivre 
& de plusieurs de ses voisins, qui 
étoient tous presque âgés comme lui, 
& même aussi fains & gaillards que 
s'ils n'avoient eu que trente ans, 
quoique, d'ailleurs ils avouerent qu'lis 
avoient mené une vie assez libertine.
 
Un comte d'Allemagne, malade 
depuis treize ans, fut guéri; l'électeur 
de Baviere, condamné & abandonné 
par les médecins de l'empire, la marquise 
de Brandebourg, paralytique 
depuis neuf ans, la duchesse de Fribourg, 
demeurée en langueur après 
une longue maladie, & plusieurs autres 
personnes de qualité dont le nombre 
est presque infini; enfin tous ceux 
qui s'en sont servis, ont fait une heureuse 
expérience de sa bonté. 
 
Il faut couper une branche de quelqu'arbre 
[248]
que ce soit, mais il ne faut 
pas qu'il soit en seve; faites avec un 
couteau au bout une croix de la longueur 
de deux ou trois travers de 
doigt, mettez un milieu un grain 
d'avoine, le germe en bas, mais 
qu'il aille au fond, & à chaque fente 
de côté un grain d'avoine, le germe 
en haut; & mettez ainsi la branche 
en terre.
 
Prenez dix pots d'eau, six livres de 
sante d'Alicante, & deux livres de 
coques d'amandes en cendre; de tout 
cela faites une lessive que vous garderez.
 
Après, prenez dix livres de savon 
coupé par morceaux, mettez-les dans 
une chaudière sur un petit feu jusqu'à 
ce qu'il soit fondu; cela fait, versez-y 
dessus dix livres de ladite lessive, & 
faites-les bouillir ensemble dix à douze 
bouillons, après prenez de l'empois, 
détrempez-le dans la susdite lessive, 
[249]
& versez le tout dans un chauderon 
où le savon est fondu, & où on a jetté 
la susdite lessive, & remuez bien le 
tout, faites-le bouillir un bouillon; 
après ayez une caisse de bois faite 
exprès, jettez-y dedans un peu de 
fleur de chaux vive, puis versez-y la 
matiere fondue, & la laissez sécher 
à l'ombre & bien à l'air.
 
Nota. Que l'empois n'est que pour 
blanchir la matiere & lui donner la 
couleur du savon. 
 
Prenez une once & demie d'eau-de-vie, 
sucre fin, deux drachmes, salpêtre, demi 
drachme; mettez le tout 
sur le feu, & y ajoutez dedans une 
once de safran; & après avoir remué 
ladite décoction, laissez-la sécher au 
solen, & tu trouverez une belle 
augmentation. 
 
Il faut mêler avec le poivre de la 
graine de cardamome, autrement 
graine de paradis.
 
Prenez dix livres de cire blanche, 
mettez-y dedans, étant fondue, trois 
livres de farine d'iris bien tamisée, & 
remuez-la bien fort; incorporez le 
tout avec une espatule de bois. 
 
Prenez de la rhubarbe, de la plus 
vieille & de la plus pourrie; mettez-la 
en poudre, ou coupez-la par morceaux, 
faites-la bouillir dans de l'eau 
commune, en remuant toujours, jusqu'à 
ce qu'elle vienne en consistance 
de thériaque, laissez-la sécher d'elle-même 
à l'ombre; & mêlez cela avec 
le musc. 
 
Prenez de la litharge d'or en poudre, 
mettez-la dans l'eau & remuez bien 
avec un bâton, faites-la bouillir, & 
dans l'eau qui bout mettez-y les cheveux: 
si vous mettez peu de litharge, 
la couleur ne sera pas si forte; si vous 
en mettez beaucoup, elle sera plus 
forte; il n'est pas nécessaire de la faire 
bouillir, il suffit que le tout soit bien 
chaud; s'il bout, il sera plutôt fait, 
mais non pas si bien.
 
Sur deux mingles de bon esprit de 
vin rectifié, ou si vous voulez un 
peu plus, si vous voulez que le vernis 
ne soit pas si rouge, vous pourrez 
aussi diminuer un peu le poids de la 
gomme laque, qui le fait rouge. 
 
Prenez quatre onces de gomme laque 
en grains, deux onces de gomme 
gutte en poudre dans une fiole, avec 
votre esprit de vin, & faites diminuer 
[252]
le tout d'un tiers sur un feu de sable; 
pour s'en servir, on met une couche 
dudit vernis sur ce que vous souhaitez 
dorer, soit bois, métal, livre ou autre 
chose, ensuite vous mettrez une 
couche fort proprement de métal faux 
en feuille, laissant sécher le tout; & 
quand il est sec, vous remettez encore 
une couche dudit vernis sur la feuille 
dudit métal, & le laissez derechef 
sécher, continuant ainsi jusqu'à ce 
que votre dorure ait pris autant de 
couleur qu'il en faut.
 
Nota. Qu'il faut se servir d'un pinceau.
 
Nota encore, que pour bien réussir, 
il faut commencer par une couche, 
comme l'on fait aux tableaux.
 
Prenez une pinte d'eau de pluie, 
deux cuillerées d'orge mondée, & un 
morceau de réglisse, long comme la 
main, battu bien plat. Il faut laisser 
tremper ceci toute une journée, & 
après le faire bouillir jusqu'à ce que 
[253]
l'orge commence à crever. Prenez ceci 
tous les matins & le soir, 4 cuillerées 
avec 8 cuillerées de lait de vache, à la 
maniere qu'on prend du café.
 
Prenez une once de myrrhe bien 
pilée, deux cuillerées de miel blanc 
du meilleur, & un peu de sauge verte 
bien pulvérisée, & vous en frottez les 
dents soir & matin.
 
Prenez le soir en vous couchant un 
morceau de myrrhe, gros comme une 
noisette, que vous ferez fondre dans 
la bouche. 
 
Chardon benit, ou carduus benedictus, 
de l'absinthe & du safran, versez-y 
dessus de l'eau bouillante, & la 
buvez de la même maniere comme 
l'on fait le thé, tous les jours, ou un 
peu avant que la fievre vienne, elle 
s'en ira bientôt. 
 
PRenez à l'heure du Soleil, comme 
auteur de la vie, quatre branches 
de rue, neuf grains de genievre, une 
noix, une figue seche, & un peu de 
sel; pilez le tout ensemble & le mangez 
à jeun en plusieurs fois.
 
Divers sont les jugemens qui se 
font d'aucuns, si un malade doit vivre 
[255]
ou mourir; mais je publierai ce 
présent signe infaillible, duquel se 
pourra servir un chacun, & en faire 
un ferme jugement; prenez une ortie 
& la metrez dans l'urine du malade, 
incontinent après que la malade l'aura 
faite, & qu'elle ne soit point corrompue, 
& laissez l'ortie dans ladite 
urine l'espace de vingt-quatre heures; 
& après si l'ortie se trouve seche, 
c'est signe de mort; & si elle se trouve 
verte, c'est un signe de vie.
 
Ce mal est causé de Saturnr; prenez 
à l'heure de Mars ou de Vénus, 
l'herbe nommée marterica, que vous 
pilerez & mêlerez avec le jaune d'un 
œuf cuit en façon d'une omelette, & 
mangez-en à jeun, cela vous préservera 
tout-à-fait de la goutte.
 
Ce mal est causé par Mars; prenez 
à l'heure de Saturne ou de Jupiter ses 
[256]
ennemis, la racine de lireos mise en 
poudre, que vous mêlerez avec la 
cendre des huîtres brûlées, sain de 
pourceau, & vous l'appliquerez sur 
la fistule.
 
Ce mal est causé par Mars; prenez 
à l'heure de la Lune, Mercure Saturne 
ou Jupiter, ses ennemis, litharge, 
racine de cannes seches, farine 
de pois chiches, farine de ris; 
pilez & mêlez avec l'huile d'amandes 
douces & graisse de mouton liquéfiée; 
& il en faut oindre le visage, & le 
laisser ainsi toute la nuit & la matinée; 
& le laverez avec de l'eau chaude.
 
Ce mal est causé de la Lune; prenez 
à l'heure de Mars ou Mercure, 
des scorpions, mettez-les dans un 
pot de terre neuf qui ait la bouche 
étroite, & le mettez dans un four qui 
ne soit pas trop chaud, l'espace de six 
[257]
heures, puis l'ôtez, & en pilez subitement.
 
Ce mal est causé de la Lune; prenez 
à l'heure de Mars ou Mercure, 
ses ennemis, le fruit de laurier, & en 
faites une poudre, & en donnez à 
boire le poids de deux drachmes, 
avec vin aromatique, cela ôtera la 
douleur.
 
Ce mal est causé de la Lune; prenez 
à l'heure de Mars ou Mercure, 
ses ennemis, la feuille de semence du 
triolet, & la semence d'abrotanus, 
& les faites bouillir dans de l'eau; en 
laquelle décoction vous ajouterez une 
cantharide sans tête, pieds & aîles, 
mise en poudre; & en boirez une 
cuillerée, cela fera uriner.
 
Ce mal est causé de Saturne;
[258]
prenez à l'heure de Mars ou Vénus, ses 
ennemis, un faisan, tuez-le & en prenez 
le fang; donnez-en deux verres 
à boire, & le malade guérira infailliblement.
 
Ce mal est causé du Soleil; prenez 
à l'heure de Mars, Mercure ou la 
Lune, ses ennemis, une poule & la 
tuez, & levez dehors cette peluche 
qui se trouve dans le petit ventre, & 
en faites une poudre, la donnant à 
boire avec du vin, c'est un bon 
remede.
 
FIN.
 
 
[54.] Pour rendre doux un chaval furieux.
[55.] Pour faire tomber un cheval comme s'il 
  étoit mort.
[56.] Pour se rendre invisible par le moyen 
d'un anneau.
Jesus passant + par 
le milieu d'eux + s'en alloit +;
puis 
ayant posé cette bague sur une plaque 
de mercure fixé, laquelle sera faite en 
forme de petite palette, on fera le parfum 
de mercure, comme il est marqué 
ci-devant, & on exposera trois 
fois de suite la bague sur la palette dans 
la fumée du parfum, & l'ayant enveloppée 
dans un morceau de tafferas de 
la couleur convenable à la planete, 
on la portera dans le nid de la huppe 
d'où on a tiré la pierre, & on la laissera 
durant neuf jours, & quand on 
la tirera, on fera encore le parfum 
[134]
comme la premiere fois: puis on la 
gardera précieusement dans une petite 
boîte faite avec du mercure fixé 
pour s'en servir dans les occasions. La 
maniere de s'en servir n'est autre que 
de mettre cette bague à son doigt, en 
tournant la pierre en dehors de la 
main: elle a la vertu de tellement 
fasciner les yeux des assistans, que 
l'on est en leur présence sans être vu. 
Et quand on veut être vu, il faut tourner 
la pierre en dedans de la main, 
& fermer la main en forme de poing. 
Porphirius [Porphyry] & Jambic [sic. Iamblichus], 
Pierre d'Abano 
& son maître Agrippa, soutiennent 
qu'un anneau fabriqué en la manier 
dont on voit ici la figure représentée, 
a la même vertu & propriété. Il faut 
prendre des poils qui sont au-dessus 
de la tête de la furieuse hyene, on en 
fait de petites tresses avec lesquelles 
on fabrique l'anneau comme on le 
voit ici, & on le porte pareillement 
dans le nid de la hupe durant neuf 
jours, & l'on fait les parfums comme 
[135]
il a été dit précédemment sous les 
auspices de Mercure; on s'en sert de
[57.] Pour n'étre point trompé & fasciné par 
l'anneau d'invisibilité.
[58.] Pour faire d'autres anneaux mystérieux 
sous les auspices des sept planetes, 
qui attirent leurs influences à ceux 
qui les portent.
[59.] Des heures du jour & de la nuit.
Dimanche, les heures de la nuit.
Lundi, les heures du jour.
Lundi, les heures de la nuit.
Mardi, les heures du jour.
Mardi, les heures de la nuit.
Mercredi, les heures du jour.
Mercredi, les heures de la nuit.
Jeudi, les heures du jour.
Jeudi, les heures de la nuit.
Vendredi, les heures du jour.
Vendredi, les heures de la nuit.
Samedi, les heures du jour.
Samedi, les heures de la nuit.
[146]
[60.] Quel a été le sentiment des sages philosophes 
au sujet des talismans & figures mystérieuses.
[61. Modele d'un talisman de Mercure.]
[155]
[62.] Maniere de faire la véritable eau 
  céleste.
[63.] Propriétés presque miraculeuses de l'eau 
céleste.
[160]
[64.] Propriétés de l'huile de baume qui est 
extraite du marc de l'eau céleste. 
[161]
[65.] Baume excellent pour se garantir de la peste.
[163]
[66.] Pour faire tomber les dents pourries 
   sans douleur.
[67.] Pour guérir des arquebusades ou autres, 
tant vieilles que nouvelles, sans 
onguent ni charpie.
[68.] Autre au même sujet.
[69.] Autre merveilleux pour guérir l'entorse 
du pied.
[70.] Des mandragores.
[180]
[71.] Explication de cieux talismans.
[72.] De la poudre de sympathie.
[73.] Pour faire l'or artificiellement.
[73b.] Autre sur le même sujet.
[74.] Autre sur le même sujet, éprouvé en 
  Angleterre.
[192]
[75.] Autre, sur le même sujet.
[77.] Pour l'or de vie, ou précipité d'or.
[78.] Pour dissoudre l'or avec facilité.
[207]
[79.] Autre sur le même sujet plus surprenant.
[80.] Pour changer le plomb en or fin.
[81.] Pour donner à l'étain le son & la dureté de l'argent.
[82.] Pour faire le borax propre à fondre l'or.
[83.] Pour contrefaire les véritables perles 
d'Orient.
[221]
[84.] Pour contrefaire du musc qui sera jugé 
aussi exquis que le naturel oriental.
[85.]Pour falsifier l'ambre gris.
[86.] Composition de pastilles excellentes.
[87.] Pour ramollif l'ivoire.
[227]
[88.] Pour rompre des cordes neuves avec une herbe.
 [89.] Pour rompre facilement une barre de fer.
[90.] Anneau mystérieux pour guérir du mal caduc.
 
[91.] Merveilleux talismans contre les poisons 
& bêtes venimeuses.
[92.] Explication des quatre autres talismans 
dont on donne ici les modeles gravés.
[233]
[93.] Pour faire la véritable eau de la Reine de Hongrie.
[94.] Plusieurs manieres pour faire des eaux 
excellentes pour ôter les boutons du 
visage.
[237]
[95.] Poudre exquise pour embellir le visage.
[96.] Composition d'une savonnette pour le 
visage & pour les mains.
[97.] Pour faire de bonne eau d'ange
[98.] Lumiere qui a rapport à la main de gloire, 
& qui endort.
[241]
SECRETS CURIEUX
EPROUVÉS,
Trouvés dans le cabinet d'un curieux
  de la nature.
[99.] Secret merveilleux pour faire le cadran 
  ou boussole sympathique, par lequel on 
  pourra écrire à un ami éloigné, & 
  lui faire connoître notre intention en 
  même tems, & un moment après qu'on 
  lui aura écrit.
[100.] Pour faire porter un fusil le double de 
son ordinaire. 
[101.] Manière de faire un sirop pour conserver 
la vie.
[102.] Pour planter toutes sortes de branches 
d'arbres & leur faire prendre racine.
[103.] Pour augmenter le savon.
[104.] Pour augmenter le safran.
[250]
[105.] Pour augmenter, de la moitié, du 
poivre pilé.
[106.] Pour augmenter la cire blanche.
[107.] Pour augmenter le musc: gardez le 
secret.
[251]
[108.] Pour la teinture des cheveux.
[109.] Vernis d'or, admirablement beau.
[110.] Contre la gravelle, pour la guérir.
[111.] Pour nettoyer les dents & les gencives.
[112.] Contre l'haleine puante.
[113.] Pour la fievre tierce & quarte.
[254]
SECRETS
MERVEILLEUX,
Lesquels se doivent prendre & composer 
dessous les influences des étoiles, 
pour guérir en peu de tems les 
infirmitiés ci-dessus écrites.
Secret admirable pour se conserver toujours 
en santé, souvent mis en usage 
par sa majesté Charles V.
[115.] Pour connoître si un malade vivra ou 
mourra.
[116.] Pour se préserver de la goutte.
[117.] Pour les fistules.
[118.] Pour lever les taches de la petite vérole.
[119.] Pour la pierre de la vessie.
[120.] Aux douleurs de coliques.
[121.] Pour la difficulté d'uriner.
[122.] Pour l'hydropsie.
[123.] Pour les douleurs de l'estomac.
Table de la levée du Soleil sur les 
dix-sept provinces.
[260]
Table de la levée du Soleil sur l'Italie 
& la France.